Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée

D'un trouble si confus un esprit assailli

Se confesse coupable, et qui craint a failli ;

N'avez-vous point eu prise avec votre frère ?

Votre mauvaise humeur lui fut toujours contraire, [1270]

Et si pour l'en garder mes soins n'avaient pourvu...

LE PRINCE

M'a-t-il pas satisfait ? Non, je ne l'ai point vu.

LE ROI

Qui vous réveille donc avant que la lumière

Ait du soleil naissant commencé la carrière ?

LE PRINCE

N'avez-vous pas aussi précédé son réveil ? [1275]

LE ROI

Oui, mais j'ai mes raisons qui bornent mon sommeil,

Je me vois, Ladislas, au déclin de ma vie,

Et sachant que la mort l'aura bientôt ravie

Je dérobe au sommeil, image de la mort,

Ce que je puis du temps qu'elle laisse à mon sort ; [1280]

Près du terme fatal prescrit par la nature,

Et qui me fait du pied toucher ma sépulture ;

De ces derniers instants dont il presse le cours

Ce que j'ôte à mes nuits, je l'ajoute à mes jours.

Sur mon couchant enfin, ma débile paupière [1285]

Me ménage avec soin ce reste de lumière ;

Mais quel soin peut du lit vous chasser si matin,

Vous à qui l'âge, encor, garde un si long destin ?

LE PRINCE

Si vous en ordonnez avec votre justice

Mon destin de bien près touche son précipice ; [1290]