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Que le seul souvenir m'en charme et me confond ; [810]

Mais quand je crois mon mal de secours incapable,

Sans vous le partager il suffit qu'il m'accable ;

Et c'est assez et trop qu'il fasse un malheureux,

Sans passer jusqu'à vous, et sans en faire deux.

ALEXANDRE

L'ami qui souffre seul fait une injure à l'autre, [815]

Ma part de votre ennui diminuera la vôtre ;

Parlez, Duc, et sans peine ouvrez-moi vos secrets,

Hors de votre parti je n'ai plus d'intérêts ;

J'ai su que votre grande et dernière journée

Par la main de l'amour veut être couronnée ; [820]

Et que voulant au Roi qui vous en doit le prix

Déclarer la beauté qui charme vos esprits ;

D'un frère impétueux l'ordinaire insolence

Vous a fermé la bouche, et contraint au silence ;

Souffrez, sans expliquer l'intérêt qu'il y prend, [825]

Que j'en aille pour vous vider le différend ;

Et ne m'en faites point craindre les conséquences ;

Et Le Roi ne pouvant nous en faire raison

Je me trouve à servir le ardeurs qui vous pressent

Que j'apprenne du moins à qui vos voeux s'adressent. [830]

LE DUC

J'ai vu de vos bontés des effets assez grands

Sans vous faire avec lui de nouveaux différends,

Sans irriter sa haine, elle est assez aigrie.

Il est prince, Seigneur, respectons sa furie ;

À ma mauvaise étoile imputons mon ennui, [835]

Et croyons-en le sort plus coupable que lui.