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ce n’est plus Adrien, c’est Genest qui parle pour lui-même : il insulte aux dieux du Capitole ; ses interlocuteurs troublés attendent en vain leur réclame, la pièce est interrompue : il déclare enfin qu’il adopte les sentimens qu’il n’avoit fait qu’exprimer. Dioclétien irrité le condamne au supplice, et Genest reçoit la couronne du martyre.

Le talent original de Rotrou se décèle tout entier dans la conception de cette singulière tragédie qui renferme, ce me semble, plusieurs des conditions de ce que l’on nomme aujourd’hui le romantique. À des événemens politiques, Rotrou a su joindre des peintures exactes et naïves d’intrigues de coulisses et des discussions littéraires dans lesquelles il a su faire entrer avec adresse l’éloge des ouvrages de Corneille, son élève et son ami : l’intérêt que l’on porte à son personnage principal n’est point affoibli par ces digressions, que l’on a reprochées à Rotrou comme étrangères à son sujet, mais qui cependant s’y rattachent naturellement. Il est peut-être digne de remarque que cette variété de tons employée par Rotrou, que la vérité des divers sentimens qu’il a décrits et mis en jeu, furent la cause principale de l’oubli dans lequel est tombée cette tragédie ; cette même raison deviendroit aujourd’hui un