Considérez, ma sœur, que, restant sans défense,
Le pur rébus du sort et la même impuissance,
Filles, pour dire assez que nous ne pouvons rien,
Un peu d'abaissement aujourd'hui nous sied bien. [870]
Ce n'est pas qu'en effet notre soin se refuse ;
Le sang convie assez, mais la faiblesse excuse ;
Et déjà mon devoir s'en serait acquitté
S'il ne fallait céder à la nécessité.
Quelque consentement que vous puissiez produire, [875]
Je vois qu'il pourrait moins me servir que me nuire :
Qui n'est pas assuré travaille mollement,
Et souvent détruit tout par le retardement :
Seul, on s'acquitte mieux d'une grande entreprise ;
Le travail s'affaiblit alors qu'il se divise ; [880]
Laissez-m'en donc le soin, et, sage à votre sens,
Rendez-vous à la force et prenez loi du temps.
J'envie à ce grand cœur cette grande assurance ;
Mais pour les lois enfin j'ai plus de révérence.
J'en aurais comme vous, mais j'en userais mieux, [885]
Et voudrais que les lois en eussent pour les dieux.
Ah ! Que vous me causez une frayeur extrême !
Ne m'épouvantez point, et tremblez pour vous-même.
Soyez secrète au moins, comme je vous promets
Que par moi ce dessein ne se saura jamais. [890]