Et j'aurais épargné tant d'illustres personnes
Dont pour me couronner j'ai mis bas les couronnes : [235]
Mais puisque cet avis me vient de mon devoir,
Quelque tard qu'il arrive, il le faut recevoir ;
Et vous trouverez bon que je paye la Grèce
Le sang de tant de peuple et de tant de noblesse.
Vous avez, quoique sage, en ce commun malheur, [240]
(Vous ne témoignez pas votre juste douleur !)
Vous avez pris, mon père, en l'intérêt d'un gendre
Plus de part en effet que vous ne deviez prendre :
C'est moi, chétif, c'est moi qui dedans vos états,
Où vous régniez en paix sur tant de potentats, [245]
Mauvais hôte, ai porté de ces maudites terres
Dessous un front d'amour des semences de guerre :
Le flambeau de l'hymen qui allia chez vous
Est le tison fatal qui vous consume tous ;
Vous mettez un serpent au sein de votre fille, [250]
Qui devait étouffer toute votre famille :
J'ai trop, certes, j'ai trop fait voir ma lâcheté
Pour tant patience et pour tant de conté :
Auteur de tant de maux, je ne veux plus de grâce ;
Il est temps, ou jamais, que je vous satisfasse, [255]
Et qu'un duel enfin entre mon frère et moi...
Qu'avez-vous à pâlir, et d'où naît cet effroi ?
Dieux ! Que proposez-vous ! Quelle horrible aventure !
Eh ! Monsieur, écoutez la voix de la nature ;
Songez quel est le sang que vous voulez verser ; [260]
Sans honte et sans frayeur y pouvez-vous penser ?