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Et Cloris me captive avecques tant d'Empire,

Que ses seules faveurs, sont le bien où j'aspire ;

Adorable beauté ! Cher but de nos espoir,

Quel Dieu m'a procuré le bien de te revoir,

Et quel heureux Démon te retira de l'onde,

Où le vent renversa notre nef vagabonde

CLORIS

.

La rencontre des flots la repoussa sur l'eau,

Que je croyais depuis te servir de tombeau,

La grandeur du péril nous conserva la vie,

Et du beau temps enfin ta chute fut suivie,

Depuis sous ces habits, j'ai pleuré ton trépas,

En mille endroits divers, où j'ai porté mes pas ;

En deux ans, sans dessein, j'ai vu toute l'Espagne,

Et la seule douleur m'a servi de compagne :

Mais ne m'oblige point à de plus longs discours,

Quel insigne bonheur, a conservé tes jours.

ÉRASTE

.

Un navire espagnol, sur cette humide plaine,

Tenait, comme le nôtre une route incertaine,

Et je crois que le Ciel l'envoyait, à dessein

Que la force des flots me jetât dans son sein.

Car je m'y rencontrai, dans ce péril extrême,

L'orage me servit, contre l'orage même ;

On me crut mort longtemps, et quand j'ouvris les yeux

Rien ne me cachait plus la lumière des Cieux ;

Des cœurs de Matelots la peur était bannie ;

Le timon travaillait, et l'onde était unie ;

Là, tous ces étrangers me comblèrent d'honneur,

Comme si j'eusse été l'auteur de leur bonheur ;

Et me contèrent tous, qu'à ma première vue,