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AMÉLIE

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Ô doux contentement !

J'en suis plus obligée à chérir vos mérites,

Et ce titre rendra nos libertés licites.

CLORIS

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J'ai pris le jour à Douvre, et là chez mes parents,

Je passais en repos des jours indifférents,

Vous savez à quels jeux l'enfance nous convie,

Ces jeunes passe-temps, limitaient mon envie,

Et j'ai, durant quinze ans vu le flambeau du jour,

Sans avoir ni senti, ni vu celui d'amour ;

Mais las ! Que le tyran de nos belles années,

A bien depuis ce temps changé mes destinées ;

J'honorai de mes vœux ses profanes autels,

Et je donnai mon coeur, au plus beau des mortels.

Toutes les qualités, et toutes les caresses,

Qui peuvent aux amants procurer leurs maîtresses,

Tout ce qu'un honnête homme a de plus ravissant,

Je l'admirais, Madame, en ce soleil naissant.

Mes parents, me faisaient des menaces frivoles,

J'avais perdu mon coeur, ils perdaient leurs paroles,

Et je révérais peu l'aveugle aversion,

Qu'ils avaient, pour l'objet de mon affection.

Ils m'épiaient en vain, une entière licence,

Eût pu sur mon esprit, bien plus que leur défense,

Mes désirs s'animaient par leurs soins imprudents,

Les brasiers qu'on restreint, deviennent plus ardents.

Enfin, quand j'eus seize ans ; et que leur tyrannie,

M'eût ravi tout moyen d'être en sa compagnie,

Je force tout respect, je m'échappe, et je fais,

La résolution de n'en sortir jamais ;