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de Noé, suyvant la coustume des hommes qui ont tousjours corrompu et tourné la verité en mensonge : joint comme il a esté veu ci-dessus, qu’estans privez de toutes sortes d’escritures, il leur est malaisé de retenir les choses en leur pureté, ils ont adjousté ceste fable, comme les poetes, que leurs grands peres se sauverent sur les arbres.

Pour retourner à nos Caraïbes, ils furent non seulement ce jour-là bien receus de tous les autres sauvages, qui les traitterent magnifiquement des meilleures viandes qu’ils peurent trouver, sans selon leur coustume, oublier de les faire boire et caouiner d’autant : mais aussi mes deux compagnons François et moy qui, comme j’ay dit, nous estions inopinément trouvez à ceste confrairie des Bacchanales, à cause de cela, fismes bonne chere avec nos Moussacats, c’est à dire, bons peres de famille qui donnent à manger aux passans. Et au surplus de tout ce que dessus, apres que ces jours solennels (esquels, comme j’ay dit, toutes les singeries que vous avez entendues se font de trois en trois ou de quatre en quatre ans entre nos Toüoupinambaoults) sont passez et mesmes quelques-fois auparavant, les Caraïbes allans particulierement de village en village, font accoustrer des plus belles plumasseries qui se puissent trouver, en chacune famille trois ou quatre, ou selon qu’ils s’advisent plus ou moins, de ces hochets ou grosses sonnettes qu’ils nomment Maracas : lesquelles ainsi parées fichans le plus grand bout du baston qui est à travers dans terre, et les arrangeans tout le long et au milieu des maisons, ils commandent puis apres qu’on leur baille à boire et à manger. De façon que ces affronteurs faisans accroire aux autres povres idiots, que ces fruicts et especes de courges, ainsi creusez, parez et dediez,