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avec du fil de cotton. Au bout d’icelles, ils mettent aux unes des os pointus, aux autres la longueur de demi pied de bois de cannes seiches et dures, faites en façon de lancette, et picquant de mesme : et quelquefois le bout d’une queuë de raye, laquelle (comme j’ay dit quelque part), est fort venimeuse : mesme depuis que les François et Portugais ont frequenté ce pays-là, les sauvages à leur imitation commencent d’y mettre, sinon un fer de flesches, pour le moins au defaut d’iceluy une pointe de clou.

J’ay jà dit, comment ils manient dextrement leurs espées : mais quant à l’arc, ceux qui les ont veus en besongne, diront avec moy que, sans aucuns brassards, ains tous nuds qu’ils sont, ils les enfonçent, et tirent si droit et si soudain, que n’en desplaise aux Anglois (estimez neantmoins si bons archers), nos sauvages, tenans leurs trousseaux de flesches en la main dequoy ils tiennent l’arc, en auront plustost envoyé une douzaine, qu’eux n’en auront descoché six.

Finalement ils ont leurs rondelles faites du dos et du plus espais cuir sec de cest animal qu’ils nomment Tapiroussou (duquel j’ay parlé cy dessus), et sont de façon larges, plates et rondes comme le fond d’un tabourin d’Alemand. Vray est que quand ils viennent aux mains, ils ne s’en couvrent pas comme font nos soldats par deçà des leurs : ains seulement leur servent pour en combattant, soustenir les coups de flesches de leurs ennemis. C’est en somme ce que nos Ameriquains ont pour toutes armes : car au demeurant, tant s’en faut qu’ils se couvrent le corps de chose quelle qu’elle soit, qu’au contraire (horsmis les bonnets, bracelets et courts habillemens de plumes, dequoy j’ay dit qu’ils se parent le corps) s’ils avoyent