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de framboise, que non seulement en allant par les bois et autres lieux où ils croissent, on les sent de fort loin, mais aussi quant au goust fondans en la bouche, et estans naturellement si doux, qu’il n’y a confitures de ce pays qui les surpassent : je tiens que c’est le plus excellent fruict de l’Amerique. Et de fait, moy-mesme, estant par-delà, en ayant pressé tel dont j’ay fait sortir pres d’un verre de suc, ceste liqueur ne me sembloit pas moindre que malvaisie. Cependant les femmes sauvages nous en apportoyent pleins de grans paniers, qu’elles nomment panacons, avec de ces pacos dont j’ay nagueres fait mention, et autres fruicts lesquels nous avions d’elles pour un pigne, ou pour un mirouer.

Pour l’esgard des simples, que ceste terre du Bresil produit, il y en a un entre les autres que nos Toüoupinambaoults, nomment Petun, lequel croist de la façon et un peu plus haut que nostre grande ozeille, a les fueilles assez semblables, mais encor plus approchantes de celles de consolida maior. Ceste herbe, à cause de la singuliere vertu que vous entendrez qu’elle a, est en grande estime entre les sauvages : et voici comme ils en usent. Apres qu’ils l’ont cueillie, et par petite poignée pendue, et fait secher en leurs maisons, en prenant quatre ou cinq fueilles, lesquelles ils enveloppent dans une autre grande fueille d’arbre, en façon de cornet d’espice : mettans lors le feu par le petit bout, et le mettant ainsi un peu allumé dans leurs bouches, ils en tirent en ceste façon la fumée, laquelle, combien qu’elle leur ressorte par les narines et par leurs levres trouées, ne laisse pas neantmoins de tellement les sustanter, que principalement s’ils vont à la guerre, et que la necessité les presse, ils seront trois ou quatre jours sans se nourrir d’autre