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dangereuse entre eux qu’est la grosse verole par-deçà.

L’arbre que les sauvages appellent Choyne, est de moyenne grandeur, a les fueilles presque de la façon, et ainsi vertes que celles du laurier : et porte un fruict aussi gros que la teste d’un enfant, lequel est de forme comme un oeuf d’austruche, et toutesfois n’est pas bon à manger. Mais parce que ce fruict a l’escorce dure, nos Toüoupinambaoults en reservant de tous entiers qu’ils percent en long et à travers, ils en font l’instrument nommé Maraca (duquel j’ay jà fait et feray encor mention) comme aussi tant pour faire les tasses où ils boivent qu’autres petits vaisseaux, desquels ils se servent à autre usage, ils en creusent et fendent par le milieu.

Continuant à parler des arbres de la terre du Bresil, il y en a un que les sauvages nomment Sabaucaïe, portant son fruict plus gros que les deux poings, et fait de la façon d’un gobelet, dans lequel il y a certains petits noyaux comme amandes, et presques de mesme goust. Mais au reste, la coquille de ce fruict estant fort propre à faire vases, j’estime que ce soit ce que nous appellons noix d’Indes : lesquelles quand elles sont tournées et appropriées de telle façon qu’on veut, on fait coustumierement enchasser en argent par-deçà. Aussi nous estans par delà, un nommé Pierre Bourdon, excellent tourneur, ayant fait plusieurs beaux vases et autres vaisseaux, tant de ces fruicts de Sabaucaïé que d’autres bois de couleur, il fit present d’une partie d’iceux à Villegagnon, lequel les prisoit grandement : toutesfois le pauvre homme en fut si mal recompensé par luy que (comme je diray en son lieu) ce fut l’un de ceux qu’il fit noyer et suffoquer en mer à cause de l’Evangile.