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voyage parmi les sauvages, je poursuyvray à la generalité.

Pour doncques declarer les ceremonies que les Toüoupinambaoults observent à la reception de leurs amis qui les vont visiter : il faut en premier lieu, si tost que le voyageur est arrivé en la maison du Moussacat, c’est à dire bon pere de famille qui donne à manger aux passans, qu’il aura choisi pour son hoste (ce qu’il faut faire en chacun village où on frequente, et sur peine de le fascher quand on y arrive n’aller pas premierement ailleurs) que s’asseant dans un lict de cotton pendu en l’air il y demeure quelque peu de temps sans dire mot. Apres cela les femmes venans à l’entour du lict, s’accroupissans les fesses contre terre, et tenans les deux mains sur leurs yeux, en pleurans de ceste façon la bien-venue de celuy dont sera question, elles diront mille choses à sa louange.

Comme pour exemple : Tu as pris tant de peine à nous venir voir : tu es bon : tu es vaillant. Et si c’est un François ou autre estranger de par deçà, elles adjousteront : Tu nous as apporté tant de belles besongnes dont nous n’avons point en ce pays : brief, comme j’ay dit, elles en jettant de grosses larmes, tiendront plusieurs tels propos d’applaudissemens et flatteries. Que si au reciproque le nouveau venu qui est assis dans le lict leur veut agreer : faisant bonne mine de son costé, s’il ne veut pleurer tout à fait (comme j’en ay veu de nostre nation, qui oyant la brayerie de ces femmes aupres d’eux, estoyent si veaux que d’en venir jusques-là) pour le moins, en leur respondant, jettant quelques souspirs, faut-il qu’il en face semblant. Ceste premiere salutation ainsi faite de bonne grace, par ces femmes Ameriquaines, le Moussacat, c’est à dire, vieillard maistre de la maison,