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Au surplus, la pluye qui tombe sous et és environs de ceste ligne, non seulement put et sent fort mal, mais aussi est si contagieuse que si elle tombe sur la chair, il s’y levera des pustules et grosses vessies : et mesme tache et gaste les habillemens. Davantage le soleil y est si ardent, qu’outre les vehementes chaleurs que nous y endurions, encores par ce que hors les deux petits repas nous n’avions pas l’eau douce, ny autre breuvage à commandement, nous y estions si merveilleusement pressez de soif, que de ma part, et pour l’avoir essayé, l’haleine et le souffle m’en estans presque faillis, j’en ay perdu le parler l’espace de plus d’une heure. Et voila pourquoy en telles necessitez, en ces longs voyages, les mariniers pour plus grand heur, souhaitent ordinairement que la mer fust muée en eau douce. Que si là dessus quelqu’un dit, si sans imiter Tantalus mourans ainsi de soif au milieu des eaux, il ne seroit pas possible en ceste extremité de boire, ou pour le moins se refreschir la bouche d’eau de mer : je respond, que quelque recepte qu’on me peust alleguer de la faire passer par dedans de la cire, ou autrement l’allambiquer (joint que les branslemens et tourmentes des vaisseaux flotans sur la mer ne sont pas fort propres pour faire les fourneaux, ny pour garder les bouteilles de casser), sinon qu’on voulust jetter les trippes et les boyaux incontinent apres qu’elle seroit dans le corps, qu’il n’est question d’en gouster, moins d’en avaler. Neantmoins quand on la voit dans un verre, elle est aussi claire, pure, et nette exterieurement qu’eau de fontaine ny de roche qui se puisse voir. Et au surplus (chose dequoy je me suis esmerveillé, et que je laisse à disputer aux Philosophes) si vous mettez tremper dans l’eau de mer du lard, du haren, ou autres chairs et poissons tant salez puissent-ils estre, ils se