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et inclination commune à tous : assavoir d’apprehender quelque chose plus grande que l’homme, dont depend le bien et le mal, tel pour le moins qu’ils se l’imaginent. Et à cela se rapporte l’honneur qu’ils font à ceux qu’ils nomment Caraibes, dont nous parlerons en son lieu, lesquels ils cuident en certaines saisons leur apporter le bon heur ou le mal heur. Mais quant au but qu’ils se proposent pour leur contentement et souverain poinct d’honneur, qui est, comme je monstreray parlant de leurs guerres et ailleurs, la poursuite et vengeance de leurs ennemis, reputant cela à grand gloire, tant en ceste vie que apres icelle (tout ainsi qu’en partie ont fait les anciens Romains) ils tiennent telle vengeance et victoire pour leur principal bien : bref selon qu’il sera veu en ceste histoire, au regard de ce qu’on nomme Religion parmi les autres peuples, il se peut dire tout ouvertement que, non seulement ces pauvres sauvages n’en ont point, mais qu’aussi s’il y a nation qui soit et vive sans Dieu au monde, ce sont vrayement eux. Toutesfois en ce poinct sont-ils peut-estre moins condamnables : c’est qu’en advouant et confessant aucunement leur malheur et aveuglissement (quoy qu’ils ne l’apprehendent pour s’y desplaire, ni cercher le remede quand mesme il leur est presenté) ils ne font semblant d’estre autres que ce qu’ils sont.

Touchant les autres matieres, les sommaires de tous les chapitres mis au commencement du livre montrent assez quelles elles sont : comme aussi le premier chapitre declare la cause qui nous meut de faire ce voyage en l’Amerique. Ainsi suivant ce que je promettois en la premiere edition, outre les cinq diverses figures d’hommes sauvages qui y sont, nous en avons encor adjousté quelques-unes pour le plaisir et contentement