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que si j’ordonnois quelque chose au prejudice de quelqu’un, il fust sans effet ny valeur, s’il n’estoit autorisé et ratifié par le conseil. Toutesfois je me suis reservé un poinct : c’est que la sentence estant donnée, il me soit loisible de faire grace au malfaicteur, en sorte que je puisse profiter à tous, sans nuire à personne. Voilà les moyens par lesquels j’ay deliberé de maintenir et defendre nostre estat et dignité. Nostre Seigneur Jesus Christ vous vueille defendre de tout mal, avec vos compagnons, vous fortifier par son esprit, et prolonger vostre vie un bien long temps pour l’ouvrage de son Eglise. Je vous prie saluer affectueusement de ma part mes tres chers freres et fideles, Cephas et de la Fleche. De Colligny en la France Antarctique, le dernier de Mars 1557.

Si vous escrivez à Madame Renée de France nostre maistresse, je vous supplie la saluer tres-humblement en mon nom. »


Il y a encor à la fin de ceste lettre de Villegagnon une clause escrite de sa propre main : mais parce que je l’allegueray contre luy mesme, au sixiesme chapitre de ceste histoire, à fin d’obvier aux redites, je l’ay retranchée en ce lieu. Mais quoy qu’il en soit, puisque par ceste narration de Villegagnon il appert tout evidemment que contre verité Thevet, en sa Cosmographie a publié et gazouillé que nous avions esté auteurs d’une sedition au fort de Colligny ; attendu, di-je, que, comme il a esté veu, nous n’y estions pas encores arrivez quand elle y advint, c’est merveille que ceste digression luy plaise tant, qu’outre ce que dessus, ne se pouvant saouler d’en parler, quand il traite de la loyauté des Escossois, accommodant ceste bourde à son propos, voicy encor ce qu’il en dit :

« La fidelité desquels j’ay aussi cognue en certain nombre de Gentils-hommes et soldats, nous accompagnans sur nos navires en ces pays lointains de la