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Au reste cest animal n’en portant qu’un d’une ventrée, le petit a ceste industrie de nature, que sitost qu’il est hors du ventre, embrassant et tenant ferme le col du pere ou de la mere : s’ils se voyent pourchassez des chasseurs, sautans et l’emportans ainsi de branche en branche ils le sauvent en ceste façon. Tellement qu’à cause de cela les sauvages n’en pouvans aysément prendre ni jeunes ni vieilles, ils n’ont autre moyen de les avoir sinon qu’à coups de flesches ou de matterats les abbatre de dessus les arbres : d’où tombans estourdies et quelques fois bien blecées, apres qu’ils les ont gueries et un peu apprivoisées en leurs maisons, ils les changent à quelques marchandises avec les estrangers qui voyagent par-delà. Je di nommément apprivoisées, car du commencement que ces guenons sont prises, elles sont si farouches que mordans les doigts, voire transperçans de part en part avec les dents les mains de ceux qui les tiennent, de la douleur qu’on sent on est contraint à tous coups de les assommer pour leur faire lascher prinse.

Il se trouve aussi en ceste terre du Bresil, un marmot, que les sauvages appellent Sagouin, non plus gros qu’un escurieu, et de semblable poil roux : mais quant à sa figure, ayant le muffle, le col, et le devant, et presque tout le reste ainsi que le Lion : fier qu’il est de mesme, c’est le plus joli petit animal que j’aye veu par-delà. Et de fait, s’il estoit aussi aisé à repasser la mer qu’est la Guenon, il seroit beaucoup plus estimé : mais outre qu’il est si delicat qu’il ne peut endurer le branlement du navire sur mer, encor est-il si glorieux que pour peu de fascherie qu’on luy face, il se laisse mourir de despit. Cependant il s’en voit quelques uns par-deça, et croy que c’est de ceste beste, de quoy Marot fait mention, quand introduisant