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levrier : mais comme elle a de grands poils à l’entour du menton, et la peau fort belle et bigarrée comme celle d’une Once, aussi en tout le reste luy ressemble-elle bien fort. Les sauvages, non sans cause, craignent merveilleusement ceste beste car vivant de proye, comme le Lion, si elle les peut attrapper, elle ne faut point de les tuer, puis les deschirer par pieces et les manger. Et de leur costé aussi comme ils sont cruels et vindicatifs contre toute chose qui leur nuit, quand ils en peuvent prendre quelques-unes aux chaussestrapes (ce qu’ils font souvent) ne leur pouvans pis faire ils les dardent et meurtrissent à coups de flesches, et les font ainsi longuement languir dans les fosses où elles sont tombées, avant que les achever de tuer. Et à fin qu’on entende mieux comment ceste beste les accoustre : un jour que cinq ou six autres François et moy nous passions par la grande isle, les sauvages du lieu nous advertissans que nous nous dormissions garde du Jan-ou-are, nous dirent qu’il avoit ceste semaine-là mangé trois personnes en l’un de leurs villages.

Au surplus il y a grande abondance de ces petites guenons noires, que les sauvages nomment Cay, en ce terre du Bresil : mais parce qu’il s’en voit assez par deçà je n’en feray icy autre description. Bien diray-je toutesfois qu’estant par les bois en ce pays-là, leur naturel estant de ne bouger gueres de dessus certains arbres, qui porte un fruict ayant gousses presques comme nos grosses febves de quoy elles se nourrissent, s’y assemblans ordinairement par troupes, et principalement en temps de pluye (aie que font quelques fois les chats sur les toits par deçà) c’est un plaisir de les ouyr crier et mener leurs sabbats sur ces arbres.