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CHAPITRE IX


Des grosses racines et gros mil dont les sauvages font farines qu’ils mangent au lieu de pain : et de leur breuvage qu’ils nomment Caou-in.


Puisque nous avons entendu, au precedent chapitre, comme nos sauvages sont parez et equippez par le dehors, il me semble, en deduisant les choses par ordre, qu’il ne conviendra pas mal de traitter maintenant tout d’un fil des vivres qui leur sont communs et ordinaires. Sur quoy faut noter en premier lieu, qu’encores qu’ils n’ayent, et par consequent ne sement ni ne plantent bleds ni vignes en leur pays, que neantmoins, ainsi que je l’ay veu et experimenté, on ne laisse pas pour cela de s’y bien traiter et d’y faire bonne chere sans pain ni vin.

Ayans doncques nos Ameriquains en leur pays, deux especes de racines qu’ils nomment Aypi et Maniot, lesquelles en trois ou quatre mois, croissent dans terre aussi grosses que la cuisse d’un homme, et longues de pied et demi, plus ou moins : quand elles sont arrachées, les femmes (car les hommes ne s’y occupent point) apres les avoir faits secher au feu sur le Boucan, tel que je le descriray ailleurs, ou bien quelques fois les prenans toutes vertes, à force de les raper