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femmes, incite à lubricité et paillardise. Sur quoy je diray en un mot, qu’encores voirement qu’en apparence il n’y ait que trop d’occasion d’estimer qu’outre la deshonnesteté de voir ces femmes nues, cela ne semble aussi servir comme d’un appast ordinaire à convoitise : toutesfois, pour en parler selon ce qui s’en est communement apperceu pour lors, ceste nudité ainsi grossiere en telle femme est beaucoup moins attrayante qu’on ne cuideroit. Et partant, je maintien que les attifets, fards, fausses perruques, cheveux tortillez, grands collets fraisez, vertugales, robbes sur robbes, et autres infinies bagatelles dont les femmes et filles de par-deça se contrefont et n’ont jamais assez, sont sans comparaison, cause de plus de maux que n’est la nudité ordinaire des femmes sauvages : lesquelles cependant, quant au naturel, ne doivent rien aux autres en beauté. Tellement que si l’honnesteté me permettoit d’en dire davantage, me vantant bien de soudre toutes les objections qu’on pourroit amener au contraire, j’en donnerois des raisons si evidentes que nul ne les pourroit nier. Sans doncques poursuivre ce propos plus avant, je me rapporte de ce peu que j’en ay dit à ceux qui ont fait le voyage en la terre du Bresil, et qui comme moy ont veu les unes et les autres.

Ce n’est pas cependant que contre ce que dit la saincte Escriture d’Adam et Eve, lesquels apres le peché, recognoissans qu’ils estoyent nuds furent honteux, je vueille en façon que ce soit approuver ceste nudité : plustost detesteray-je les heretiques qui contre la Loy de nature (laquelle toutesfois quant à ce poinct n’est nullement observée entre nos pauvres Ameriquains) l’ont autresfois voulu introduire par-deça.