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ils nous voyoyent arriver en leurs villages. Aussi pour en estre recompensez, en nous amadouans et suyvans de pres, ils n’oublioyent pas de dire, et repeter souvent en leur petit gergon, Contoüassat, amabé pinda, c’est à dire, Mon amy et mon allié, donne moy des haims à pescher. Que si là dessus leur ottroyant leur requeste (ce que j’ay souvent fait) nous leur en meslions dix ou douze des plus petits parmi le sable et la poussiere, eux se baissans soudainement, c’estoit un passetemps de voir ceste petite marmaille toute nue, laquelle pour trouver et amasser ces hameçons trepilloit et grattoit la terre comme connils de garenne.

Finalement combien que durant environ un an, que j’ay demeuré en ce pays-là, je aye esté si curieux de contempler les grands et les petits, que m’estant advis que je les voye tousjours devant mes yeux, j’en auray à jamais l’idée et l’image en mon entendement : si est-ce neantmoins, qu’à cause de leurs gestes et contenances du tout dissemblables des nostres, je confesse qu’il est malaisé de les bien representer, ni par escrit, ni mesme par peinture. Par quoy pour en avoir le plaisir, il les faut voir et visiter en leur pays. Voire mais, direz-vous, la planche est bien longue : il est vray, et partant si vous n’avez bon pied, bon oeil, craignans que ne trebuschiez, ne vous jouez pas de vous mettre en chemin. Nous verrons encore plus amplement ci apres, selon que les matieres que je traiteray se presenteront, quelles sont leurs maisons, utensiles de mesnage, façon de coucher, et autres manieres de faire.

Toutesfois avant que clorre ce chapitre, ce lieu-ci requiert que je responde, tant à ceux qui ont escrit, qu’à ceux qui pensent que la frequentation entre ces sauvages tous nuds, et principalement parmi les