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aucuns pensent, et d’autres le veulent faire accroire, qu’ils soyent velus ny couvers de leurs poils, qu’au contraire, n’estans point naturellement plus pelus que nous sommes en ce pays par deçà, encor si tost que le poil qui croist sur eux, commence à poindre et à sortir de quelque partie que ce soit, voire jusques à la barbe et aux paupieres et sourcils des yeux (ce qui leur rend la veuë louche, bicle, esgarée et farouche), ou il est arraché avec les ongles, ou depuis que les Chrestiens y frequentent, avec des pincettes qu’ils leur donnent : ce qu’on a aussi escrit que font les habitans de l’Isle de Cumana au Peru. J’excepte seulement quant à nos Toüoupinambaoults, les cheveux, lesquels encore à tous les masles, dés leurs jeunes aages, depuis le sommet et tout le devant de la teste sont tondus fort pres, tout ainsi que la couronne d’un moine, et sur le derriere, à la façon de nos majeurs, et de ceux qui laissent croistre leur perruque on leur rongne sur le col. A quoy aussi, pour (s’il m’est possible) ne rien omettre de ce qui fait à ce propos, j’adjousteray en cest endroit, qu’ayant en ce pays-là certaines herbes, larges d’environ deux doigts, lesquelles croissent un peu courbées en rond et en long, comme vous diriez le tuyau qui couvre l’espy de ce gros mil que nous appellons en France bled Sarrazin : j’ay veu des vieillards (mais non pas tous, ny mesmes nullement les jeunes hommes, moins les enfans), lesquels prenans deux fueilles de ces herbes, les mettoyent et lioyent avec du fil de coton à l’entour de leur membre viril : comme aussi ils l’enveloppoyent quelques fois avec les mouchoirs et autres petits linges que nous leur baillions. En quoy, de prime face, il sembleroit qu’il restast encor en eux quelque scintile de honte naturelle : voire toutesfois s’ils faisoyent telles choses ayant