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d’ancre de Bresil de sa propre main ce qui s’ensuit,

« J’adjousteray le conseil que vous m’avez donné par vos lettres, m’efforçant de tout mon pouvoir de ne m’en desvoyer tant peu que ce soit. Car de fait, je suis tout persuadé qu’il n’y en peut avoir de plus sainct, droit, ny entier. Pourtant aussi nous avons fait lire vos lettres en l’assemblée de nostre conseil, et puis apres enregistrer, à fin que s’il advient que nous nous destournions du droit chemin, par la lecture d’icelles nous soyons rappelez, et redressez d’un tel fourvoyement. »

Mesme un nommé Nicolas Carmeau qui fut porteur de ces lettres, et qui estoit parti le premier jour d’Apvril dans le navire de Rosée, en prenant congé de nous me dit, que Villegagnon luy avoit commandé de dire de bouche à monsieur Calvin, qu’il le prioit de croire qu’à fin de perpetuer la memoire du conseil qu’il luy avoit baillé, il le feroit engraver en cuyvre : comme aussi il avoit baillé charge audit Carmeau de luy ramener de France quelque nombre de personnes, tant hommes, femmes, qu’enfans, promettant qu’il defrayeroit et payeroit tous les despens que ceux de la Religion feroyent à l’aller trouver.

Mais, avant que passer outre, je ne veux pas omettre de faire icy mention de dix garçons sauvages, aagez de neuf à dix ans et au-dessous : lesquels ayans esté prins en guerre par les sauvages amis des François, et vendus pour esclaves à Villegagnon, apres que le Ministre Richier, à la fin d’un presche eut imposé les mains sur eux, et que nous tous ensemble eusmes prié Dieu qui leur fist la grace d’estre les premices de ce pauvre peuple, pour estre attiré à la cognoissance de son salut, furent embarquez dans les navires qui (comme j’ay dit) partirent dés le quatrieme de Juin pour estre