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premier à la table du Seigneur, et receut à genoux le pain et le vin de la main du Ministre. Cependant, et pour le faire court, verifiant bien tost apres ce qu’a dit un Ancien : assavoir, qu’il est mal aisé de contrefaire long temps le vertueux, tout ainsi qu’on appercevoit aisément qu’il n’y avoit qu’ostentation en son fait, et que quoy que luy et Cointa eussent abjuré publiquement la papauté, ils avoyent neantmoins plus d’envie de debatre et contester que d’apprendre et profiter : aussi ne tarderent-ils pas beaucoup à esmouvoir des disputes touchant la doctrine. Mais principalement sur le poinct de la Cene : car combien qu’ils rejetassent la transubstantiation de l’Eglise Romaine, comme une opinion laquelle ils disoyent ouvertement estre fort lourde et absurde, et qu’ils n’approuvassent non plus la Consubstantiation, si ne consentoyent-ils pas pourtant à ce que les Ministres enseignoyent, et prouvoyent par la parole de Dieu, que le pain et le vin n’estoyent point reellement changez au corps et au sang du Seigneur, lequel aussi n’estoit pas enclos dans iceux, ains que Jesus Christ est au ciel, d’où, par la vertu de son sainct Esprit, il se communique en nourriture spirituelle à ceux qui reçoivent les signes en foy. Or quoy qu’il en soit, disoyent Villegagnon et Cointa, ces paroles : Ceci est mon corps : Ceci est mon sang, ne se peuvent autrement prendre sinon que le corps et le sang de Jesus Christ y soyent contenus. Que si vous demandez maintenant : comment doncques, veu que tu as dit qu’ils rejettoyent les deux susdites opinions de la Transubstantiation et Consubstantiation, l’entendoyent-ils ? Certes comme je n’en scay rien, aussi croy-je fermement que ne faisoyent-ils pas eux-mesmes : car quand on leur monstroit par d’autres passages,