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serpe, cousteau, peigne, miroir ou autre marchandise et mercerie qu’on leur porte par-dela, luy fera entendre par signe s’il veut changer cela à quelque autre chose. Que si l’autre de sa part s’y accorde, luy monstrant au reciproque de la plumasserie, des pierres vertes qu’ils mettent dans leurs levres, ou autres choses de ce qu’ils ont en leur pays, ils conviendront d’un lieu à trois ou quatre cens pas delà, où le premier ayant porté et mis sur une pierre ou busche de bois la chose qu’il voudra eschanger, il se reculera à costé ou en arriere. Apres cela l’Ouetaca la venant prendre et laissant semblablement au mesme lieu ce qu’il avoit monstré, en s’eslongnant fera aussi place, et permettra que le Margajat, ou autre, tel qu’il sera, la vienne querir : tellement que jusques là ils se tiennent promesse l’un l’autre. Mais chacun ayant son change, si tost qu’il est retourné, et a outrepassé les limites où il s’estoit venu presenter du commencement, les treves estans rompues, c’est lors à qui pourra voir et rattaindre son compagnon, à fin de luy oster ce qu’il emportoit : et je vous laisse à penser si l’Ouetaca courant comme un levrier a l’avantage, et si poursuyvant de pres son homme, il le haste bien d’aller. Parquoy, sinon que les boyteux, gouteux, ou autrement mal enjambez de par-deça voulussent perdre leurs marchandises, je ne suis pas d’avis qu’ils aillent negocier ni permuter avec eux. Vray est que, comme on dit, que les Basques ont semblablement leur langage à part, et qu’aussi, comme chacun sçait, estans gaillards et dispos, ils sont tenus pour les meilleurs laquais du monde, ainsi qu’on les pourroit parangonner en ces deux poincts avec nos Ouetacas, encores semble-il qu’ils seroyent fort propres pour jouer és barres avec eux. Comme aussi on pourroit mettre en ce rang, tant certains