Au dehors, par les rues désertes et obscures, on enten dait parfois le pas sourd et cadencé des alguazils ou des miliciens. Les douze coups de minuit sonnèrent lentement à l’église de Santa-Eléna. Don José se redressa soudain comme s’il se réveillait en sursaut, passa la main sur son front pâle et mur mura : — Il ne viendra donc pas ? Mais presque aussitôt la porte s’ouvrit lentement, la portière fut soulevée et un homme apparut. — Enfin ! s’écria le comte... Enfin, te voilà ! mais pour quoi viens-tu si tard ? — Ah f c’est que j’ai eu de l’ouvrage aujourd’hui, mur mura l’inconnu d’une voix sourde... — Ilyàdunouveau ? — Oui... Et, roulant sans façon un fauteuil auprès de don José, celui qui venait d’arriver s’installa devant le bureau. Cet individu que don José semblait attendre impatiem ment formait avec lui un immense contraste. De même que le comte résumait en sa personne toutes les qualités qui distinguent physiquement la noblesse de race, de même son compagnon réunissait toutes les forces Vives et énergiques des véritables Espagnols du peuple. C’était un homme de vingt-huit à trente ans, sec et nerveux, sous les habits sordides duquel on devinait des muscles d’acier. Son visage au ton mat, aux traits accen tués, était éclairé par deux yeux noirs, pétillants et mau vais. Il regardait don José avec une expression singulière et l’on sentait bien que ce personnage énigmatique, tout en étant dominé par le regard froid du comte, ne se consi dérait aucunement comme un esclave. — Qu’est-il donc arrivé, Garcia ? interrogea don José. Celui qu’il venait d’appeler Garcia, sourit avec malice et, rapprochant son siège de celui du comte, il dit à mivoix : — Andrès part aurès-demain... — Que dis-tu là ? Le texte de Cette page et des pages précédentes est le début du roman qui paraîtra de samedi en huit. LES ÉCUMEURS DE LA PAMPA par Gustave LE ROUGE ROMAN COMPLET EN UN VOLUME comme tous les ouvrages publiés dans cette collection.
