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du tout l’accent orthographique), et l’accent oratoire. En bressau comme en français, l’accent tonique est toujours sur la dernière syllabe ou voyelle sonore. Quoique très prononcé et très énergique, il se laisse parfois infléchir par l’accent oratoire, qui est beaucoup plus libre et plus dominant.

La quantité prosodique différencie les syllabes en brèves, longues et moyennes. La brève représente l’unité de temps, unité instantanée, indivisible. La longue dure trois fois autant pour le moins, et quatre fois pour le plus. La moyenne prend de deux à trois temps ; c’est une syllabe nasale, qui serait brève, si la nasalité n’en allongeait pas forcément l’émission ; elle est toujours un peu plus longue à l’intérieur des mots qu’à la fin.

Jamais paysan ne commet de faute sur cette quantité prosodique, ni sur l’accentuation, ni sur les règles grammaticales et syntactiques de son langage, non plus que le petit peuple d’Athènes n’en commettait dans le sien.

L’hiatus ou choc d’une voyelle contre elle-même sous la même nuance, à la fin d’un mot et au commencement d’un autre, s’adoucit par une légère suspension qui peut se figurer ainsi : ala… as loûre—aller à la veillée, jé… ai l’aiveûle—jouer à Colin-Maillard, el vené… ẽrmain—il vint hier, el se bóti… i lée—il se mettait au lit, wau… auhan—guère aisé, etc., etc. Quant aux hiatus fictifs que le français veut voir, on ne sait pourquoi, entre deux voyelles ou nuances de voyelles différentes, si le bressau les efface quelquefois par une lettre euphonique, c’est en souvenir d’une lettre tombée, comme : bwò-n-èfan—bon enfant, ò-z-i viron—on y ira. Cependant les particules qui sonnent è, savoir : ai—à, è—en, et (= è) requièrent toujours une euphonique devant une voyelle quelconque, sans distinction ; exemple : aivan-et-y-aiyé—avant et arrière, tòna è-y-auve—tourner en eau,