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reille entrave ; ils ne sont, à plus forte raison que toute autre langue écrite ou littéraire, et ne peuvent être que ce qu’ils résonnent dans la bouche de l’orateur et à l’oreille de l’auditeur.

On prétend que l’intérêt étymologique requiert cette contradiction perpétuelle entre la prononciation et l’écriture ; intérêt bien spéculatif en vérité, et trop souvent présumé, trop souvent faussé ; mais en quoi cet encombrant intérêt est-il compromis par l’orthographe italienne, espagnole, allemande, et beaucoup mieux servi par l’anglaise et la française ? Car ces dernières le sacrifient sans cesse à leur caprice, autant qu’à la nécessité.

Les patoisants lorrains nous mettent sous les yeux certains échantillons d’orthographe phonétique pour nous prouver qu’elle nous peindrait nos jolis patois sous les formes les plus grotesques, les plus affreuses et les plus inintelligibles. En effet, ces échantillons ne sont que des caricatures, où les mots, écrits avec les choix de lettres les plus fantaisistes, les plus invraisemblables, ne sont pas même analysés et démêlés les uns d’avec les autres. Mais n’est-ce pas retomber aussi dans la pure caricature que d’écrire, par exemple, la troisième personne de l’indicatif présent du verbe être : ast, ost, au lieu de a, o, sous prétexte que le français l’écrit est (pour prononcer è), et en mémoire du latin est, qui du moins se prononçait est’, ou de l’allemand ist, qui, lui aussi, se prononce ist’ ?

Et qu’arrive-t-il de là ? C’est qu’après avoir montré ce signe trompeur, on est obligé de l’écrire de nouveau pour le corriger et pour en indiquer la prononciation. Le signe rectificatif, qui est le véritable, n’était-il pas le seul dont il fallait se servir ?

Donc, après avoir longtemps pesé les raisons pour et con-