Page:Jean Hingre - Monographie du patois de La Bresse (Vosges), 1887.pdf/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 22 —

écrirons par kh. Lorsque le souffle vocal prend sa modification spécifique, soit 1° en allant se heurter contre l’extrémité antérieure du palais, soit 2° en passant avec un effort strident entre les deux cloisons dentales, que les lèvres laissent un peu à découvert, soit 3° en faisant le même effort et en produisant un effet analogue entre les lèvres ramenées sur les dents et rapprochées l’une de l’autre, il ne constitue plus que des sifflements, les premiers écrits par ch, g doux et j français, les seconds par e doux, s, x, z, les troisièmes par f et v. Ils diffèrent tous sensiblement des aspirations du palais et du gosier. À mesure que la modification consonnante du souflle vocal marche de l’intérieur à l’extérieur, elle perd de sa profondeur et de sa douceur pour devenir plus légère et plus stridente. L’aspiration gutturale, la plus profonde et la plus douce, est l’aspiration par excellence ; c’est, pour ainsi dire, une exhalaison de l’âme dans la parole vivante et vivifiante. La spiration palatale tient le milieu et fait la transition entre l’aspiration gutturale et les sifllements extérieurs, et réunit toutes les qualités phoniques de ceux-ci et de celle-là. Elle est peut-être de tous les phonismes le plus parfait et le plus beau.

Les langues privées de l’une et l’autre aspirations peuvent faire entendre à l’oreille un fort joli gazouillement ; elles ne font pas sentir à l’âme ce qui donne le plus de vie réelle et d’animation intime à la parole humaine. Et le français en est là. Il n’a probablement jamais connu la spiration palatale ; et aujourd’hui il n’a même plus la force d’émettre l’aspiration gutturale, et son h aspirée n’est plus qu’un souvenir, un signe vide et trompeur.

Le bressau possède et maintient l’aspiration gutturale et la spiration palatale en pleine vigueur ; il en tire même son caractère le plus frappant. D’abord il aspire de l’une et de