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La métamorphose vocalique de l’e muet en eu, qui s’impose partout au français, dans l’élocution soutenue et dans la poésie, rend sa physionomie singulièrement terne et disgracieuse. Chez nous elle est exceptionnelle, et très rare en somme ; elle n’assombrit jamais le tableau[1].

I

Il conserve toujours le son qui lui est propre, même dans la syllabe nasale in ; il n’y devient pas ei, et la syllabe ne fait pas ein comme en français ; c’est tout simplement l’i pur nasalisé[2]. En vieux francais, in assonait très bien avec i. Le bressau poussant encore plus loin cette disposition, supprime souvent la nasalité, retranche l’n et ne garde que l’i pur ; exemple : chèmi—chemin, fi—fin, vehi—voisin, etc.

À peu près invariablement l’i prend la place de l’l dans les groupes bl, cl, fl, gl, pl ; de plus, le c devient alors t, et g devient d, forte pour forte, douce pour douce ; ce qui fait un assouplissement encore plus accentué qu’en italien ; exemple : bian—blanc, it. bianco ; tiôre—clore, it. chiudere (= kioudere) ; fian—flanc, it. fianco ; dió (v. fr. glot), it. ghiotto ; pian—plaint(e), it. pianto, lat. planctus.

  1. Dans les « Patois lorrains, Nancy, 1881, » faute d’avoir fait attention à l’intermittence de la voyelle e, on présente (passim, surtout pages 45-48) comme aphérésés ou apocopés beaucoup de mots qui ne le sont pas réellement, puisqu’ils ne le sont qu’accidentellement.

    Qu’on nous permette de saisir cette occasion pour déclarer que notre nom a été inséré par erreur parmi ceux des correspondants qui ont procuré à M. Lucien Adam les matériaux trop peu sûrs dont il a su tirer d’ailleurs un si bon parti. Nous n’y avons pas contribué pour la valeur d’un iota.

  2. Les correspondants de l’habile rédacteur des « Patois lorrains, » pages 1-3, se sont donné des peines infinies pour expliquer, chacun à sa manière, et tous d’une manièra plus ou moins douteuse, une chose aussi simple et aussi naturelle. Et ils ne se sont pas évertués moins fort, ni plus heureusement, au sujet de la spiration palatale (p. 25 et suiv.) dont il sera question plus loin.