Page:Jean Hingre - Monographie du patois de La Bresse (Vosges), 1887.pdf/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 15 —

un gilet aisé, in prókhte (= prókhteu) biè-n-auhan—un gilet bien aisé.

Comme la troisième personne du pluriel du présent de l’indicatif et du présent ou imparfait du subjonctif fait toujours entendre la syllabe te ou simplement t’ derrière la syllabe du thème : el pwaulte—ils parlent, qu’el pwauléste—qu’ils parlent ou parlassent ; en vertu de la loi dont il s’agit, ce te final fera toujours teu quand le mot suivant commencera par une consonne : el rtòn’te ène piére—ils retournent une pierre ; el rtòn’te (= rtòn’teu) ló fwò—ils retournent leur foin ; el pwaulte essòne—ils parlent ensemble ; el pwaulte (= pwaulteu) giraumm’hê—ils parlent giraumé ; qu’el pwauléste (= pwaulesteu) cwòn’hè—qu’ils parlent cornimontais.

Toujours en vertu de la même loi, et aussi en vue d’éviter une fâcheuse homophonie, dont il sera rendu compte à propos des pronoms personnels, ceux-ci placés après le verbe comme sujets ou comme régimes, se prononcent encore meu, teu, seu au lieu de mé, té, sé, si le verbe finit par une syllabe en e muet : aipwôte-te (= teu) mas róbe—apportes-tu mes habits ? mwòne-me (= meu) hau—mène-moi en haut ; bóte-le (= leu) bai—mets-le en bas. Mais comme il s’agit ici, soit d’éviter une suite de trois consonnes, soit aussi d’écarter certaines homophonies d’un mauvais effet pour l’oreille et pour l’intelligence tout ensemble, on maintient le son eu lors même que le mot suivant commence par une voyelle, et alors, exception unique, l’élision ne se fait pas : laikhe-te (= teu) ètiôre—laisse-toi enfermer, aitache-le (= leu) i khtâle—attache-le à l’écurie.

Cet e final devenu eu, a la valeur d’une voyelle sonore et permet à un autre e intermittent, venant à sa suite, de rester muet : el pròn’te (= pròneteu) le méyó—ils prennent le meilleur. Dans tous les cas, il est aussi faible et aussi bref que possible.