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Il y a cependant quatre choses qu’il nous paraît permis et utile de signaler à ce sujet :

1° Le bressau contredit volontiers le français en mettant ai où celui-ci met a, et réciproquement ; le mot aifare—affaire en est un parfait échantillon. En cela le bressau est plus fidèle à l’ancienne prononciation, que le français a souvent changée par une affectation de mauvais goût et de mauvais effet.

2° Le bressau change assez souvent l’a en au, soit au commencement des mots, soit au milieu, jamais à la fin : aubile—habile, aupēti—appétit, brauve—brave (probe).

3° À peu d’exceptions près, la syllabe finale al se transforme en au : mau—mal, ètau—étal, pau—pal (bâton).

4° Quaud l’a est nasalisé en français, le bressau supprime la nasalité et change l’a en ò (o bref et ouvert) : —dans, ònaue—année. Il en est souvent de même de l’e qui, dans la syllabe nasale en, sonne en français comme un a, ainsi qu’on le dira tout à l’heure.

E

En bressau, comme en français[1] l’e sonore n’a que les deux nuances d’ouvert et de fermé ; et la quantité prosodique ne les modifie pas.

Dans la syllabe qui correspond à la nasale française en, le bressau se débarrasse de la nasalité, et change la syllabe en è au commencement des mots, en ò à la fin, et tantôt en ò et tantôt en òn’ au milieu, quand cette syllabe a l’accent tonique ; exemples : ètēre—entier, èveulmè—envenimer, essòne—ensemble, —dent, —vent, dèkhò—descends, dèpòce—dépense, ròte—rente, et dèkhòn’de—descendre, khòn’de—es-

  1. Des puristes veulent y entendre et y faire prononcer un e intermédiaire entre le grave et l’aigu ; mais on ne peut guère tenir compte en pratique de cette subtilité raffinée.