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Ainsi donc le bressau a les mêmes voyelles et les mêmes nuances de voyelles que le français. Passons-les rapidement en revue.

A

C’est la voyelle dominante de l’idiome, qui en reçoit une physionomie très ouverte et un grand éclat matériel. Elle termine un certain nombre de substantifs féminins qui font en français, et as, atis en latin, par exemple : bauta — beauté ; bonta — bonté. Elle fait l’infinitif de la plupart des verbes appartenant à la première conjugaison du français et du latin : chanta — chanter ; pwaula — parler, etc. Sous ce rapport le bressau égale pour le moins les patois méridionaux, et surpasse beaucoup le breton. Combien surtout il apparaît plus élégant que tant d’autres de la Lorraine et de la Champagne avec leur terminaison sourde et lugubre des mêmes verbes en eu.

Quant à chercher la correspondance de cette voyelle a avec les langues voisines, savantes ou vulgaires, et à formuler là-dessus des généralités plus ou moins spécieuses, ce serait une tentative assez vaine et fort illusoire. Chaque règle établie par l’étalage d’un certain nombre d’exemples verrait se dresser contre elle de nombreuses exceptions, ou contradictions, qui se répétant, elles aussi, sur une certaine étendue, constitueraient à leur tour autant de règles collatérales et donneraient finalement le tableau d’un merveilleux caprice. Et pour lui former un digne encadrement, on n’aurait qu’à suivre les modifications que les mêmes voyelles reçoivent dans les mêmes mots d’une localité à une autre ; par exemple, dans le mot terre, qui partant de La Bresse sous la forme tièrre, devient à Cornimont tiarre, et plus loin, tiēre, tieûre, tiaure, târe, têre, tēre, teûre, taure, tîre, etc., avant d’arriver jusqu’à Charmes ou à Rambervillers.