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plus vil, rien de plus terrible, rien de plus désagréable, rien de plus nuisible. Et je dis cela, non seulement pour vous engager à être doux envers les hommes, mais aussi pour vous exhorter à supporter votre femme, si elle est babillarde ; qu’elle soit pour vous une matière de lutte et d’exercice. Quoi de plus absurde que d’établir des gymnases où nous n’avons rien à gagner, où nous affligeons notre corps ; et de ne pas nous créer des gymnases domestiques, où nous puissions gagner des couronnes, même avant le combat ! Votre femme vous injurie ? Ne devenez pas femme vous-même ; car dire des injures est le propre de la femme ; c’est une maladie de l’âme ; c’est un défaut. N’estimez pas qu’il soit indigne de vous d’être injurié par une femme ; ce qui serait indigne de vous, ce serait de dire des injures, quand une femme est sage. C’est alors que vous vous déshonorez, que vous vous faites tort à vous-même ; mais si vous supportez l’injure, vous donnez une grande preuve de force. Je ne dis pas ceci pour engager les femmes à dire des injures, tant s’en faut ; mais pour vous encourager à être plus patients, quand cela arrive par l’instigation de Satan. C’est le propre des hommes forts de supporter les faiblesses. Si votre serviteur vous contredit, soyez sage ; ne le traitez point comme il le mérite, mais ne dites et ne faites que ce qu’il convient. Ne faites jamais d’injure à une jeune fille, en proférant un mot déshonnête ; ne traitez jamais un serviteur de scélérat : ce n’est pas lui qui recevrait l’injure, mais vous. Il n’est pas possible que l’homme en colère reste en lui-même, pas plus qu’une mer en fureur ; et la source ne peut rester pure, si elle reçoit de la boue ; alors tout se mêle ; disons plus, tout est sens dessus dessous. Quand vous frapperiez votre serviteur ; quand vous déchireriez sa tunique, c’est encore vous qui souffririez le plus : il ne souffre que dans son corps ou dans son vêtement, et vous, vous souffrez dans votre âme. C’est elle que vous avez déchirée, que vous avez blessée ; vous avez renversé le cocher, et l’avez fait fouler et traîner par les chevaux ; absolument comme si un cocher se fâchait contre un autre et se laissait traîner. Que vous grondiez, que vous avertissiez, que vous fassiez toute autre chose, faites-le sans emportement et sans colère. Car si celui qui reprend est le médecin du coupable, comment le guérira-t-il s’il se nuit à lui-même et ne se guérit pas ? Si par exemple un médecin venait pour guérir quelqu’un, et commençait par se blesser la main ou par se rendre aveugle, dites-moi, guérirait-il son malade ? Non, répondez-vous. Donc, soit que vous grondiez, soit que vous avertissiez, gardez vos yeux purs. Ne remuez pas la vase de votre âme, autrement comment la guérison serait-elle possible ? L’homme calme et l’homme irrité ne sauraient jouir de la même tranquillité. Pourquoi renverser le maître de son siège et lui parler quand il est à terre ? Ne voyez-vous pas que les juges, quand ils doivent exercer leur fonction, s’asseyent sur leurs sièges et dans un vêtement convenable ? Faites de même : revêtez votre âme de la toge (qui n’est autre que la modération) et asseyez-vous sur le trône, en qualité de juge. Mais le coupable ne craindra pas, dites-vous. Il craindra bien davantage. Quand vous êtes irrité, dissiez-vous les choses les plus justes, votre serviteur les attribue à la colère ; mais si vous lui parlez avec modération, il se condamnera lui-même. Mais, ce qui est le point principal : Dieu vous accueillera, et vous pourrez obtenir ainsi les biens éternels, par la grâce, la compassion et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, en union avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, la force, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !