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absurdité toute prête à éclore ; si nous n’entendons pas ces paroles dans un sens qui convienne à Dieu. Car ce mot jusqu’à ce que » indiqué une fin déterminée ; or, en Dieu, il n’y a pas de fin. « Or la mort sera le dernier ennemi qui sera détruit (26) ». Comment, cela, le dernier ? Après tous, après le démon, après toute autre chose. Et en effet, même au commencement, c’est elle qui est entrée la dernière ; d’abord le conseil du démon, puis la désobéissance, et alors la mort. Donc, c’est son pouvoir qui dès maintenant est aboli ; mais alors elle le sera elle-même en réalité.
« Car il lui a tout mis sous les pieds. Quand l’Écriture dit que tout lui est assujetti, il est évident qu’il faut en excepter celui qui lui a assujetti toutes choses. Lors donc que toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses (27, 28) ». Or il ne disait pas auparavant que c’était le Père qui lui assujettissait toutes choses, mais que c’était lui-même, qui détruisait : « Lorsqu’il aura », dit l’apôtre, « détruit tout empire, toute domination ». Or, voici maintenant : « Car Jésus-Christ doit régner jusqu’à ce que son Père lui ait mis tous ses ennemis sous les pieds[1] » Comment donc dit-il ici que c’est le Père ? Et ce n’est pas là seulement ce qui ne se comprend pas, mais c’est que la crainte de Paul est tout à fait étrange ; il se sert d’un correctif, il dit : « Il faut en excepter celui qui lui a assujetti toutes choses », comme s’il y avait des personnes pour s’imaginer que le Père peut être assujetti au Fils. Quoi de plus déraisonnable qu’une pareille imagination ? Cependant l’apôtre en a eu peur. Donc qu’est-ce que cela signifie ? Voyez-vous, ici, les questions se pressent en foule, accordez-moi votre attention soutenue. Il nous est nécessaire avant tout de dire le but ; la pensée de Paul, qui brille partout, et qui va nous donner 1a solution de notre embarras. La pensée de Paul ne sera pas inutile aussi pour la solution. Quelle est donc cette pensée ; et quelle est son habitude ? Il a une manière de parler, quand il ne parle que de la divinité seule ; il en a une autre, quand, il tombe sur le mystère de l’incarnation. En effet, quand il s’attache à la chair, sans s’inquiéter de tout autre ordre d’idées, il n’a que des expressions basses et misérables, parce qu’il s’assure que la chair comporte les paroles qu’il emploie. Voyons donc ici, s’il ne parle que de la divinité seule, ou s’il se joint à ce qu’il dit de Dieu un rapport avec l’incarnation : ou plutôt montrons d’abord les exemples où il a pratiqué la méthode dont je viens de parler.
Il écrit aux Philippiens : « Qui ayant la forme et la nature de Dieu n’a point regardé comme un rapt d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même, en prenant la forme et la nature de serviteur, en se rendant semblable aux hommes, et étant reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui au-dehors. Il s’est rabaissé lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé », (Phil. 2,6-9) Voyez-vous comment, quand il ne parle que de la divinité, l’apôtre emploie ces grandes expressions : Il a la forme de Dieu ; l’apôtre attribue également tout et au Père, et au Fils ; quand, au contraire, il veut nous montrer Jésus-Christ incarné, il abaisse son discours ? Sans cette distinction, il n’y a entre, les paroles qu’une contradiction choquante. S’il était égal à Dieu, comment Dieu a-t-il pu élever celui qui était son égal ? S’il avait la forme de Dieu, comment Dieu a-t-il pu lui donner son nom ? On ne donne qu’à celui qui n’a pas ce qu’on lui donne ; on ne peut élever que ce qui était au-dessous de la hauteur où on l’élève. Il faudra bien que le Fils ait été dans l’abaissement et dans l’indigence de, quelque chose avant d’avoir été élevé, avant d’avoir reçu le nom ; et mille autres corollaires s’ensuivent, qui sont absurdes. Mais si vous pensez à l’incarnation, vous n’aurez pas tort de tenir ce langage. Appliquez ces observations ici et recevez dans cette pensée les paroles que vous avez entendues.
5. Nous ajouterons encore quelques autres raisons du langage de Paul. En attendant, nous sommes encore forcé de dire que Paul, parlant de la résurrection, traitait d’une chose qui paraissait impossible, et ne rencontrait que l’incrédulité ; Paul écrivait à des Corinthiens, chez qui se trouvaient en grand nombre des philosophes toujours occupés à se moquer de

  1. La pensée de saint Jean Chrysostome est, d’une manière générale, parfaitement claire ; mais il y a, dans les détails, une certaine confusion par la manière dont le saint Évêque cite, en les modifiant, les paroles analogues du verset 25 et 26.