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parce qu’ils savent qu’ils ne sont que légèrement indisposés : ils réservent toute leur sollicitude pour ceux qui sont obligés de garder le lit. Est-ce que tu ne considères pas la colère, l’emportement, comme la pire des maladies ? L’emportement ne peut-il pas être assimilé à une fièvre violente, et la colère à une vive inflammation qui fait enfler nos membres ? Juge donc combien il est pénible d’être pris par la fièvre, ou d’avoir, une inflammation va, marche, éteins ce feu, car tu le peux – par la grâce de Dieu. : arrête au plais tôt cette inflammation, comme on arrête, au moyen de l’eau, les progrès d’un incendie.
Mais quoi, diras-tu, mes avances ne feront que l’exalter davantage ! – Cela ne te regarde pas : tu as fait ce que tu pouvais faire ; quant à lui, qu’il ne s’impute qu’à lui-même d’avoir si mal répondu à tes bons, sentiments : il doit nous suffire que notre conscience ne nous reproche pas qu’une chose fâcheuse soit arrivée parce que nous avons négligé de faire ce qui était de notre devoir. « Donnez », dit l’apôtre, « donnez à manger à votre ennemi, car en faisant cela, vous amasserez des charbons de feu sur sa tête ». (Rom. 12,20) Et tout en disant cela, il n’en veut pas moins que nous allions trouver notre ennemi, que nous nous réconciliions avec lui, que nous lui fassions du bien, non, pour amasser ainsi, des charbons, mais pour que notre ennemi, sachant cela, se calme, pour qu’il craigne et redoute les bienfaits et les témoignages d’amitié de son ennemi plus encore que ses embûches. Un ennemi vindicatif ne fait pas autant de mal à son ennemi, que celui-ci n’en reçoit d’un adversaire qui cherche à lui être utile et à lui faire du bien. En effet, le vindicatif se nuit à lui-même, et peut-être un peu à celui dont il cherche à se venger : mais celui qui, tout au contraire, cherche à faire du bien à son ennemi, « a amassé ; des charbons de feu sur la tête de ce dernier. ». – Ne devons-nous pas, diras-tu, nous abstenir de lui faire du bien, afin de lui épargner ce malheur qui doit en être la suite ? – Mais voudras-tu donc ; en agissant autrement, amasser les charbons sur ta propre tête ? Car c’est ce que fait la vengeance. – Mais vous voulez donc que j’aggrave encore le mal ? – Point du tout : ce n’est pas toi qui l’aggraves ; ce n’est qu’à son humeur brutale qu’il doit s’en prendre de cette aggravation. En effet, si alors que tu lui fais du bien, que tu l’honores, que tu as à cœur de te réconcilier avec lui, lui, au contraire, conserve au fond du cœur sa haine:, c’est contre lui-même qu’il allume ce feu dévorant, ç’est sa propre tête qu’il livre à ses ravages. Quant à toi, tu n’y es pour rien. Ne cherche pas à être plus miséricordieux que Dieu lui-même ; car, en voulant l’être, tu t’exposerais à mille maux. Mais que dis-je ! Quand tu voudrais l’être, tu ne le pourrais pas, même au plus faible degré. Et comment donc cela pourrait-il être ? « Autant », dit-il, « il y a de distance entre le ciel et la terre, autant mes desseins, sont au-dessus de vos desseins ». (Is. 55,9) Et en un autre endroit : « Si vous », dit-il, « qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus vous donnera votre Père qui est dans les cieux ». (Mt. 7, 11) Mais tout, cela n’est qu’une excuse, qu’un vain prétexte. Gardons-nous de porter un esprit de sophisme dans l’interprétation des ordres de Dieu. Tu demandes comment tu tombes ici dans le sophisme : le voici. L’apôtre a dit : « En faisant cela, vous amasserez des charbons de feu sur sa tête ». Mais toi, tu dis : Je crains mon ennemi, parce qu’il m’a fait beaucoup de tort, et cette crainte m’arrête quand il s’agit de lui faire du bien. N’est-ce pas là ce que tu dis ? Mais comment donc se fait-il que tu aies un ennemi ? Tu crains celui qui t’a fait du, tort, et tu ne te crains pas toi-même ! Plût à Dieu que tu eusses un peu plus de souci de ce qui te regarde ! N’agis pas, si tu veux, de cette façon envers ton ennemi dans cette intention, mais dans telle ou telle autre… Mais tu n’agis pas du tout. Eh bien, pour te déterminer, je ne veux plus te donner cette raison : « Que tu amasseras sur la tête de ton ennemi des charbons ardents », mais une autre raison plus haute. Tu peux agir, si tu veux, par ce nouveau motif, mais agis enfin. Paul a dit ce qui précède, pour t’exciter, par la crainte du châtiment, à bannir de ton cœur toute haine, Sachant tout ce qu’il n’y a de purement animal dans nos penchants, et que, par suite, si l’on ne nous montrait la perspective de quelque châtiment, il serait impossible de nous amener à aimer notre ennemi, il nous jette, pour ainsi dire, cette grossière pâture. Mais ce n’est pas là ce que le Christ a dit aux apôtres. Que leur dit-il ? Afin que vous deveniez semblables à votre Père qui est dans les cieux ». ([[Bible_Crampon_1923/Matthieu|Mt. 5,