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l’hésitation de Pierre, mais celle des autres moins fermes que lui. Maintenant, « vers la neuvième heure », c’est-à-dire, quand il était libre de soins, en repos, en prières, dans la contrition du cœur. « Alors, regardant l’ange, il fut saisi de frayeur ». Remarquez : l’ange ne lui dit pas tout de suite ce qu’il doit lui annoncer ; il le rassure d’abord et relève son esprit. Si la vision lui inspira de la crainte, ce fut toutefois une crainte modérée, qui ne faisait qu’appeler son attention. Les paroles de l’ange le rassurèrent, ou plutôt l’éloge qu’elles renfermaient, adoucirent sa crainte. Quelles furent ces paroles ? Écoutez : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’en la présence de Dieu, et il s’en est souvenu. Envoyez donc présentement des personnes à Joppé, et faites venir un certain Simon, surnommé Pierre (5) ». Pour prévenir toute erreur des envoyés, il ne se contente pas de dire le surnom, il marque aussi le lieu où l’on trouvera celui que l’on cherche. « Qui est logé chez un corroyeur, nommé Simon, dont la maison est près de la mer (6) ».
Voyez-vous comme les apôtres, dans leur amour de la solitude, de la tranquillité, recherchaient les parties des villes qui se trouvaient à l’écart ? Que serait-il arrivé, s’il s’était rencontré un autre Simon, corroyeur aussi lui-même ? Mais l’ange donne encore une autre indication : l’habitation près de la mer. Ces trois circonstances ne pouvaient pas se rencontrer. L’ange ne lui dit pas pourquoi il devait agir ainsi, ce qui aurait pu ralentir son ardeur ; il le laissa, excité du désir de savoir ce qui allait arriver. « Dès que l’ange, qui lui parlait, se fut retiré, Corneille appela deux de ses domestiques, et un soldat craignant Dieu, du nombre de ceux qu’il commandait, et, leur ayant dit tout ce qui lui « était arrivé, il les envoya à Joppé (7, 8) ». Vous comprenez ? L’Écriture n’ajoute pas ce détail sans motif ; c’est pour montrer que ceux qui lui obéissaient craignaient Dieu comme lui. « Et leur ayant dit tout ce qui lui était arrivé », dit le texte. Voyez la modestie de cet homme ! il ne dit pas : faites venir auprès de moi Pierre ; ce n’est que pour persuader l’apôtre qu’il raconte ainsi tout ; il montre, en cela, de la prévoyance. Il ne croit pas devoir prendre un ton d’autorité, pour appeler Pierre ; voilà pourquoi il raconte tout ce qui lui est arrivé ; il fait preuve ainsi d’une rare modestie, quoiqu’il ne dût pas avoir grande idée d’un homme logé chez un corroyeur. « Le lendemain, lorsqu’ils étaient en chemin, et qu’ils approchaient de la ville, Pierre monta sur le haut de la maison où il était vers la sixième heure, pour prier (9) ». Voyez comme l’Esprit ménage les temps, n’allant ni trop vite, ni trop lentement ! « Pierre monta », dit le texte, « sur le haut de la maison, vers la sixième heure, pour prier », c’est-à-dire, se mit à l’écart, dans un lieu tranquille, comme le sont les chambres hautes. « Et ayant faim, il voulut manger ; mais, pendant qu’on lui apprêtait de la nourriture, il lui survint un ravissement d’esprit, et – il vit le ciel ouvert (10) ». Qu’est-ce qu’un ravissement d’esprit ? Son esprit entra en contemplation ; son âme, pour ainsi dire, sortit de son corps. « Et il vit le ciel ouvert, et comme une grande nappe, liée par les quatre coins, qui descendait du ciel en terre, où il y avait de toutes sortes d’animaux terrestres, quadrupèdes, reptiles et oiseaux du ciel ; et il entendit une voix, qui lui dit : Levez-vous, Pierre, tuez et mangez. Mais Pierre répondit : Je n’ai garde, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et souillé. Et la voix, lui parlant encore, une seconde fois, lui dit : N’appelez pas impur ce que Dieu a purifié. Cela s’étant fait jusqu’à trois fois, la nappe fut retirée dans le ciel (11-16) ».
2. Que signifie cette vision ? C’est un symbole pour l’univers tout entier. Il s’agissait d’un incirconcis, n’ayant rien de commun avec les Juifs. Tous devaient bientôt accuser Pierre de transgresser la loi, qui leur était fort à cœur. Il était nécessaire que Pierre pût dire « Je n’ai jamais mangé ». Ce n’est pas que Pierre eût peur ; loin de nous cette pensée ! mais l’Esprit-Saint, comme je l’ai déjà dit, lui ménageait une réponse à ses accusateurs, à qui il pourrait dire qu’il avait fait résistance. C’étaient des gens qui tenaient fort à ce que la loi fût observée. Il était envoyé aux gentils. Donc il fallait que les Juifs ne pussent pas l’accuser, et toutes choses, comme je me suis empressé de le dire, furent disposées d’en haut à cet effet. Il ne fallait pas non plus que cette vision ne parût qu’une image fantastique. Pierre dit : « Je n’ai garde, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et