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faisons venir ici un vieillard près de mourir. Représentons-lui, d’un côté, la bonne chère ou les honneurs dont il a joui durant sa vie, et montrons-lui, de l’autre, les bonnes œuvres qu’il a faites. Demandons-lui ce qui lui donne alors plus de plaisir, et ce qui le console davantage, et nous verrons qu’il rougira des uns, au lieu que le souvenir des autres le fera tressaillir de joie.
5. C’est ainsi qu’Ezéchias, malade, ne se souvenait plus des délices de ses festins, ni de la gloire de son royaume ; mais seulement de sa justice et de ses œuvres de piété. Car il disait à Dieu : « Souvenez-vous, Seigneur, que j’ai marché en votre présence dans une voie droite. » (2R. 10,3) Voyez de même la joie que ressent saint Paul, lorsqu’il dit : « J’ai bien combattu, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » (2Tim. 4,7)
Vous me demanderez peut-être de quels autres biens saint Paul pouvait se souvenir en cet état, et quelle autre consolation il pouvait avoir, que de ses vertus passées. Je vous réponds qu’il pouvait rappeler alors en sa mémoire plus d’avantages, même temporels, que toutes ces personnes du monde ; car il avait reçu des honneurs et des dons très considérables. Il dit lui-même, écrivant aux Galates, qu’ils l’avaient reçu « comme un ange du Seigneur, et comme Jésus-Christ même. Qu’ils, eussent, si cela était possible, arraché leurs propres yeux pour les lui donner » (Gal. 4,14), et qu’ils eussent de bon cœur donné leur propre vie pour sauver la sienne.
Cependant cet apôtre, à la fin de sa vie, ne se souvient plus de tous ces honneurs il n’a dans la mémoire que ses travaux, et la récompense qu’il en attend. Et certes, c’était avec grande raison que ce saint apôtre avait effacé le reste de sa mémoire. Les honneurs se perdent en ce monde, mais les souffrances nous accompagnent après notre mort, et, au lieu qu’on nous redemande compte des premiers, on nous rend, au contraire, des récompenses pour les autres.
Ne savez-vous pas quel trouble nos péchés causent dans notre esprit au moment de notre mort ; quelle est alors notre inquiétude et l’agitation de notre cœur. Lorsque nous sommes ainsi déchirés au dedans de nous, le souvenir de nos vertus, qui se présente alors à notre âme, est comme la douceur du calme qui succède à la tempête, et qui nous console dans le trouble et dans le désespoir nous nous trouvons réduits. Si nous étions sages, mes frères, cette crainte nous accompagnerait durant toute notre vie. Mais, parce que nous y sommes insensibles tant que nous vivons, elle se saisira de nous à la mort, et nous frappera de terreur.
Un prisonnier, un coupable, n’est jamais plus triste que lorsqu’on le tire de la prison pour le présenter à son juge. C’est alors qu’il tremble, quand il se voit au pied du tribunal, où il doit rendre compte de ses crimes, et entendre prononcer l’arrêt de sa mort. N’est-ce pas ce qui remplit l’esprit des mourants de spectres et de visions effroyables, qu’ils nous racontent eux-mêmes, et dont ils ne peuvent souffrir le regard ? Ils font des efforts si violents dans le désespoir où ils sont, qu’ils en ébranlent tout leur lit et le renversent par terre. Ils lancent de tous côtés des regards farouches sur ceux qui les environnent. On voit au-dehors ce que l’âme souffre au dedans, lorsqu’elle combat pour ne pas sortir du corps, ou qu’elle ne peut supporter la présence des anges qui viennent à elle.
Si le regard de quelques personnes nous fait souvent trembler de peur, que ferons-nous lorsque les anges viendront à nous d’un œil menaçant, et que les puissances célestes nous sépareront de toutes les choses présentes ? Que deviendrons-nous, lorsque notre âme, se voyant arrachée du corps comme par force, jettera mille soupirs inutiles et mille regrets superflus, comme ce riche de l’évangile, qui s’affligea si inutilement à la mort ?
Gravons donc ceci dans nos âmes. Pensons sérieusement, mes frères, à ce triste état. Craignons d’y tomber, afin que nous n’y tombions pas. Conservons en nous-une vive appréhension de ces maux. Ainsi, nous ne les éprouverons pas, mais nous jouirons au contraire des biens éternels, que je vous souhaite à tous, par la grâce et par la miséricorde de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le Saint-Esprit, qui nous vivifie, est toute la gloire, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il (418).