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Il n’y a rien de plus insensé que celui qui est esclave des richesses. Il croit avoir l’avantage quand il est vaincu. Il croit être le maître quand il est l’esclave. Plus les chaînes dont il le charge sont pesantes, plus il se réjouit. Plus les bêtes qui le dévorent sont furieuses, plus il en a de plaisir. Quand il est captif il en tressaille de joie. Lorsqu’il voit sa passion aboyer comme un chien furieux, au lieu de lier cette bête ou de la faire mourir de faim, il la nourrit au contraire et l’engraisse, afin qu’en devenant plus forte, elle devienne en même temps plus terrible.

Pensons donc à ces vérités, mes frères. Délivrons-nous enfin de nos chaînes. Tuons cette bête furieuse. Guérissons cette maladie mortelle. Chassons loin de nous cette manie, afin qu’en jouissant ici d’un heureux calme nous nous avancions avec un plaisir ineffable vers ce bienheureux port que nous désirons ; et que nous y trouvions toutes les richesses du ciel, que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE LII

« APRÈS, JÉSUS S’EN ALLANT DE CE LIEU, SE RETIRA DU CÔTÉ DE TYR ET DE SIDON, ET UNE FEMME CHANANÉENNE QUI ÉTAIT SORTIE DE CE PAYS-LÀ, S’ÉCRIA EN LUI DISANT : SEIGNEUR, FILS DE DAVID, AYEZ PITIÉ DE MOI, MA FILLE EST MISÉRABLEMENT TOURMENTÉE DU DÉMON. » (CHAP. 15,21 JUSQU’AU VERSET 32)

ANALYSE.

  • 1. Pourquoi, Jésus-Christ va chez les Gentils.
  • 2. Humilité et foi admirable de la Chananéenne.
  • 3. Ce que peut l’assiduité à la prière. — Qu’elle est la vraie aumône.
  • 4-6. De l’excellence de la charité. — Que c’est la charité qui distingue l’homme du reste des animaux. — Que les plus pauvres peuvent et doivent faire l’aumône. — Combien il serait cruel de voler le bien des autres pour en faire des charités. — Des restitutions. — Ce qui distingue les véritables restitutions d’avec les fausses.

1. Saint Marc dit qu’étant entré dans une maison, il voulait que personne ne le sût ; mais qu’il ne put rester caché. D’où vient, mes frères, que le Sauveur allait en ce pays ? Aussitôt qu’il a montré qu’il ne fallait plus à l’avenir faire aucune distinction entre les viandes, il avance peu à peu et ouvre insensiblement aux gentils l’entrée à la grâce de son Évangile en les allant trouver lui-même. Nous voyons de même dans les Actes, qu’aussitôt que saint Pierre eut reçu l’ordre de ne plus regarder aucune viande comme impure, il fut aussitôt envoyé chez le centenier Corneille. (Act. 10) Que si quelqu’un me demande pourquoi Jésus-Christ va chez les gentils et chez les païens, lui qui défendait à ses apôtres d’y aller : « N’allez point », leur dit-il, « dans la voie des gentils (Mt. 10,5) ; » je réponds en premier lieu que Jésus-Christ n’était point obligé d’observer lui-même ce qu’il commandait à ses apôtres. En second lieu il n’allait point dans ce pays pour y prêcher son Évangile, comme saint Marc le fait voir en disant « qu’il voulut s’y cacher et qu’il ne le put. » Au reste, si la suite de sa conduite ne Lui permettait pas d’un côté d’aller le premier trouver les païens chez eux, il était aussi de l’autre indigne de sa grâce et de sa bonté de les rebuter, lorsqu’ils le venaient