Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

dit le Prophète, « et non pas vos vêtements » (Jol. 2,1) « Criez au Seigneur, comme David (Ps. 124), « de la profondeur » où vous vous trouvez, du fond de votre cœur, et faites que votre oraison soit une chose secrète, et soit un mystère. Ne voyez-vous pas que devant les rois tout est en silence, et que tout tumulte cesse ? Vous entrez ici dans un palais bien plus terrible que ceux des rois de la terre, dans le palais du roi du ciel, gardez-y donc une parfaite modestie. Vous avez part au chœur des anges ; vous entrez en société avec les archanges et vous joignez vos chants à ceux des séraphins mêmes. Ces habitants du ciel témoignent une frayeur modeste, et offrent à Dieu, avec crainte et tremblement, des hymnes saints et des concerts ineffables. Mêlez-vous avec eux lorsque vous priez, et tâchez d’imiter leur retenue et leur modestie toute céleste. Car ce n’est pas un homme que vous priez, mais Dieu qui est présent partout, qui vous entend avant même que vous lui parliez et qui voit à nu tous les secrets de votre cœur. Si vous priez de la sorte, vous en recevrez une grande récompense. « Et votre Père qui voit ce qu’il y a de plus secret, vous en rendra la récompense devant tout le monde (6). » Il ne dit pas, vous donnera, mais « vous rendra. » Car il veut bien se rendre votre débiteur et c’est un grand honneur qu’il vous fait. Mais comme il est invisible lui-même, il veut aussi que votre prière soit secrète et invisible ; il marque ensuite la manière dont nous devons prier. « Ne soyez pas grands parleurs dans vos prières comme font les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils obtiendront ce qu’ils demandent (7). » Lorsqu’il a parlé de l’aumône, il s’est contenté d’en retrancher la vanité sans spécifier de quoi il faut faire l’aumône, c’est-à-dire d’un bien acquis par un juste travail, et non pas par l’avarice ou par les rapines. Cela était si clair que personne n’en pouvait douter, et il l’avait déjà assez marqué lorsqu’il appelait « bienheureux ceux qui auraient faim et soif de la justice. » Mais lorsqu’il parle de l’oraison, il ajoute quelque chose de plus en retranchant le trop de paroles. En parlant de la vanité des aumônes, il avait rapporté l’exemple des hypocrites, il rapporte ici celui des païens, afin de confondre partout ses auditeurs par la bassesse des personnes avec qui il les compare. Il se sert de ce moyen pour nous corriger, parce qu’il n’y a presque rien qui nous touche plus que lorsqu’on nous compare à des personnes méprisables.
Jésus-Christ appelle ici « grands discours » toutes les demandes que nous lui faisons, qui ne nous sont pas utiles, les dignités, les honneurs, l’avantage sur nos ennemis, l’abondance des richesses, et en un mot tout ce qui ne nous sert pas pour notre salut. « C’est pourquoi ne vous rendez pas semblables à eux ; parce que votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez (8). »
4. Il me semble encore que par là il défend tes longues prières. Mais j’appelle longues prières celles qui le sont, non par le temps, mais par la multitude des paroles. Car il est bon de persévérer longtemps à demander à Dieu une même chose. « Soyez assidus à l’oraison (Col. 4,14) », dit saint Paul. Et lorsque Jésus-Christ nous propose l’exemple de cette veuve qui fléchit par l’assiduité de ses prières la dureté d’un juge cruel et impitoyable, et celui d’un homme qui vient trouver son ami au milieu de la nuit, et qui obtient de lui non tant par amitié que par importunité qu’il se lève, et qu’il lui donne ce qu’il lui demande ; il ne nous ordonne autre chose que de nous présenter continuellement devant lui, non pour lui offrir une prière longue et étendue en paroles, mais pour lui exposer simplement notre besoin. C’est ce qu’il exprime cri disant que « les païens s’imaginent qu’à force de paroles ils obtiendront ce qu’ils demandent. C’est pourquoi », ajoute-t-il, « ne vous rendez pas semblables à eux, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » S’il sait ce dont nous avons besoin, dites-vous, pourquoi le lui demander ? Ce n’est pas pour l’en instruire, mais pour le toucher ; afin que vous acquériez avec lui une divine familiarité par le commerce continuel que vous avez avec lui dans vos prières ; afin que vous vous humiliiez devant lui, et que vous vous souveniez souvent de vos péchés. « Voici donc comme vous prierez : Notre Père qui êtes dans les cieux (9). » Voyez comment il relève d’abord les esprits, et rappelle en notre mémoire toutes les grâces que nous avons reçues de Dieu. En nous apprenant à appeler Dieu « notre Père », Il marque en même temps