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8. Je vous conjure encore une fois, mes frères, de vous appliquer à ce que je vous dis. Imitez au moins les petits enfants, qui s’étudient d’abord à connaître les lettres, puis à les distinguer, lors même qu’elles sont renversées ou mal formées, et qui apprennent ainsi à bien lire. Faisons la même chose dans l’étude de la vertu. Apprenons-la par parties, et commençons par le plus aisé. Retranchez d’abord les jurements, les parjures, et les médisances. Passez ensuite à bannir de vous l’envie, les affections impures, l’intempérance, les excès de vin, la cruauté, l’insensibilité, et toutes les autres passions. Appliquez-vous après aux choses plus spirituelles : embrassez la continence, le jeûne, la chasteté, la justice : renoncez à la vaine gloire : aimez la modestie et la componction du cœur : inspirez ces vertus aux autres, et après les avoir imprimées au dedans de vous-mêmes, occupez-vous-en sans cesse chez vous, et pratiquez-les envers vos amis, et envers vos femmes, et vos enfants.
Mais commencez, comme j’ai dit, par ce qui est plus facile, comme de ne point jurer, principalement lorsque vous êtes chez vous. Car c’est là que vous trouvez d’ordinaire plus de sujets qui vous portent à le faire. Souvent un serviteur vous irrite ; une femme vous fâche ; un enfant indocile et déréglé vous fait jurer en le menaçant. Que si dans ces épreuves vous pouvez retenir vos emportements ordinaires, et vous empêcher de jurer, il vous sera aisé de vous modérer lorsque vous serez en public, et vous vous accoutumerez de la sorte à être paisible chez vous. Ce sera ainsi que vous vous étudierez à n’offenser personne, lorsque vous ne traiterez jamais mal ni votre femme, ni vos enfants, ni vos domestiques.
Souvent une femme louant quelque autre personne, ou se plaignant de son état, excite contre elle la colère de son mari. Pour vous, modérez-vous en ces rencontres. Ne l’obligez point à blâmer celui qu’elle avait loué. Souffrez tout courageusement. De même lorsque vos serviteurs loueront en votre présence d’autres maîtres, ne vous en troublez point, et demeurez ferme. Que votre maison soit pour vous un lieu d’exercice et de combat, afin que vous y étant fortifié, vous puissiez sans aucun danger vous trouver avec les personnes de dehors.
Faites de même à l’égard de la vaine gloire. Si vous la pouvez vaincre, lorsque vous êtes avec votre femme et avec vos enfants, il vous sera aisé de n’en être point surpris ailleurs. Car quoique cette passion soit très-dangereuse partout, et très-violente, elle l’est néanmoins encore davantage pour vous, lorsque vous êtes dans votre maison avec votre femme. Si donc vous y résistez alors, vous pourrez aisément la vaincre ailleurs.
Travaillons ainsi, mes frères, à combattre d’abord tous les vices dans le secret de notre logis ; afin que par cet exercice, et comme par cette lutte domestique où nous nous exercerons chaque jour, nous devenions plus forts et plus fermes contre les occasions du dehors. Pour nous rendre même cet exercice plus facile et plus avantageux, imposons-nous quelque peine volontaire, pour nous punir nous-mêmes d’avoir violé nos résolutions ; et que ce châtiment que nous exigeons de nous, soit tel qu’il ne tourne pas à notre malheur, mais à notre bien et à notre avancement. Condamnons-nous à de plus grands jeûnes qu’à l’ordinaire, à coucher sur la terre, et à d’autres austérités semblables. Nous tirerons de là de grands avantages. La vertu même nous rendra la vie plus douce, elle nous procurera les biens à venir ; et elle nous mettra au nombre des amis de Dieu.
Prenez garde, mes frères, qu’il ne vous arrive encore aujourd’hui ce qui vous est arrivé déjà tant de fois, et qu’après avoir admiré les instructions si saintes que nous vous donnons, vous n’alliez au sortir d’ici, par votre paresse et votre négligence, mettre votre cœur entre les mains de votre ennemi, afin qu’il en efface les avis salutaires que nous y avons imprimés.
Pour remédier à ce désordre, je vous conseille lorsque vous serez retournés chez vous, d’appeler vos femmes ; de leur faire un fidèle rapport de tout ce que je viens de dire, de leur témoigner votre nouveau désir, de les prier de vous aider dans cette résolution, et depuis ce jour vous rendre toujours assidus dans cette sainte école, pour y attirer dans votre cœur la grâce du Saint-Esprit, comme une huile sainte qui le doit guérir.
Si après cela vous tombez une fois, deux fois et davantage même, ne vous découragez pas : mais relevez-vous autant de fois que vous tomberez, sans cesser jamais de combattre, jusqu’à ce que vous ayez vaincu le démon, que vous ayez gagné la couronne, et que vous ayez mis le trésor de vos vertus dans un asile et un lieu