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SEIZIÈME HOMÉLIE.


« Ils étaient nus et ils n’en rougissaient pas. (Gen. 2,25) »

ANALYSE.

  • 1. Après un court exorde, l’orateur aborde l’histoire de la chute de nos premiers parents, et prouve, par le fait seul de l’entretien d’Eve avec le serpent que tous les animaux étaient soumis à l’homme. – 2. Il réfute ensuite l’opinion de ceux qui prétendaient que ce serpent était doué de raison, et établit qu’il ne fut que l’organe et l’instrument du démon. – 3. Il décrit alors longuement le colloque de celui-ci avec la femme, et reproché amèrement à cette dernière son imprudente confiance. – 4. Il n’est pas moins sévère pour Adam qui préféra se montrer complaisant envers son épouse plutôt qu’obéissant envers Dieu. – 5. Le premier effet du péché ayant été de faire connaître à Adam et à Eve leur nudité, saint Chrysostome explique en quel sens l’Écriture dit que leurs yeux furent ouverts ; il combat à cette occasion ceux qui soutenaient qu’avant sa désobéissance Adam n’avait pas la connaissance du bien et du mal, et explique pourquoi l’Écriture nomme l’arbre fatal, l’arbre de la science du bien et du mal. – 6. Il montre la sagesse de Dieu dans la facile défense faite à l’homme, et termine par un éloquent parallèle entre l’arbre du paradis terrestre et l’arbre de la croix.


1. Je veux aujourd’hui, mes chers frères, mettre à votre disposition un trésor spirituel qui ne se vide jamais, quoiqu’on y prenne à pleines mains : il possède même le double privilège d’enrichir tous ceux qui se l’approprient et de se remplir de nouveau, lorsqu’on le croit épuisé. Souvent une légère portion d’un trésor matériel suffit pour nous rendre puissamment riches ; et à plus forte raison les moindres paroles de l’Écriture contiennent d’excellentes vérités qui sont comme d’abondantes richesses. Le propre de ce trésor est d’enrichir tous ceux qui le trouvent, et d’être lui-même inépuisable, parce qu’il s’alimente sans cesse aux sources de l’Esprit-Saint. Il faut donc que de votre côté vous reteniez mes explications avec soin, et que du mien, je m’efforce de vous les rendre plus intelligibles, car la grâce est toute prête, et ne demande que des cœurs sur lesquels elle se puisse largement répandre. Au reste, l’explication du passage qui vient d’être lu, sera bien propre à nous montrer l’immense bonté du Seigneur, et son extrême bienveillance à l’égard de notre salut.
Et ils étaient tous deux nus, Adam et la femme, et ils n’en rougissaient pas. (Gen. 2,25) Considérez, je vous y invite, l’éminent bonheur de nos premiers parents. Combien ils étaient élevés au-dessus de toutes les créatures sensibles et grossières ! ils habitaient moins la terre que le ciel ; et quoique revêtus d’un corps, ils n’en sentaient pas les infirmités, puisqu’ils n’avaient besoin ni de toit, ni d’habits, ni d’aucun autre secours extérieur. Or ce n’est point sans raison et sans motif que la sainte Écriture entre dans ce détail, et nous apprend que leur vie était exempte de douleur et de tristesse, et que leur état était presque celui des anges. Elle veut qu’en les voyant ensuite dépouillés de tous ces privilèges, et tombés d’une haute opulence dans une profonde misère, nous n’attribuions leur chute qu’à leur propre négligence. Au reste, il est important de faire attention à ce passage entier de la Genèse. Car Moïse a dit d’abord qu’Adam et Eve étaient nus, et qu’ils n’en rougissaient pas. Eh ! comment eussent-ils connu leur nudité, puisque la gloire céleste les parait comme d’un superbe vêtement ! Puis il ajoute que le serpent était le plus rusé de tous les animaux que