Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

reste du carême ; et pour cela, chaque semaine, ou plutôt chaque jour, rentrons en nous-mêmes, purifions notre âme de tout péché, et appliquons-nous à la pratique des bonnes œuvres. C’est le conseil que nous donne le Psalmiste quand il dit : Éloignez-vous du mal, et faites le bien (Ps. 36,27) ; et telle est l’essence du véritable jeûne. Ainsi l’homme violent et emporté doit modérer sa colère par de pieuses pensées, et devenir doux et patient ; ainsi encore l’intempérant et le paresseux doivent se montrer sobre et laborieux ; et le voluptueux, trop épris d’une beauté mortelle, doit chasser de son cœur tout désir criminel, et graver dans son esprit cet oracle du divin Sauveur : Celui qui aura regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère dans son cœur. (Mt. 5,28) Cette pensée l’aidera à fuir l’incontinence et à pratiquer la chasteté.
J’exhorte également ceux dont la parole précipitée et téméraire s’épanche au hasard, à dire avec le Psalmiste : Seigneur, mettez une garde à ma bouche, et une porte à mes lèvres (Ps. 140,9) ; désormais, ils ne devront plus proférer que des paroles sages et utiles, selon ce précepte de l’Apôtre : Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute querelle, toute médisance et toute malice soit bannie d’entre vous ; et encore : Que toute parole soit bonne, utile, édifiante et propre à donner la grâce à ceux qui l’écoutent. (Eph. 4,31, 29) Quant à l’habitude du jurement, il faut absolument l’extirper du milieu de nous, car Jésus-Christ a dit : Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point ; et moi, je vous dis de ne jurer en aucune sorte. (Mt. 5,33-34) Ne m’objectez donc point que vous jurez pour une cause légitime, puisqu’il n’est jamais permis de jurer, que la chose soit juste ou injuste. Mais afin que notre bouche ne prononce aucun jurement, sachons modérer notre langue, nos paroles et même nos pensées ; car, en empêchant que des pensées mauvaises se produisent en notre esprit, nous éviterons de les traduire au-dehors par des paroles coupables. Enfin, ayez soin aussi de fermer l’oreille à tout discours vain et médisant, selon cet avis de Moïse : N’écoutez point la voie du mensonge. Le Psalmiste nous dit également : J’éloignais celui qui médisait secrètement de son prochain. (Ex. 23,1 ; Ps. 1,5)
Concluez de tout ceci, mon cher frère, que l’acquisition des vertus chrétiennes exige de généreux efforts et une vigilance continuelle. La moindre négligence suffit quelquefois pour tout perdre ; et c’est le reproche que le saint roi David adressait aux Juifs. Tranquillement assis, leur disait-il, vous parlez contre votre frère, et vous préparez un piège au fils de votre mère. (Ps. 49,20) Cette attention à régler tous nos sens nous facilitera beaucoup les divers exercices de la piété. Ainsi, notre langue louera et glorifiera le Seigneur, nos oreilles s’ouvriront à la parole sainte et à ses salutaires instructions, et notre esprit s’appliquera à méditer les vérités de la foi ; nos mains, pures de tout acte d’avarice ou de rapine, s’exerceront aux bonnes œuvres et à l’aumône, et nos pieds ne nous conduiront point au théâtre et à ses dangereux spectacles, ni au cirque et aux courses des chars ; mais aux églises, aux maisons de la prière, et aux tombeaux des martyrs, afin que, parleur intercession, nous obtenions les bénédictions du ciel et la grâce de ne pas succomber aux embûches du démon. Cette active sollicitude pour notre salut fera encore que le jeûne du carême nous sera grandement utile, que nous éviterons les pièges du tentateur, et que nous obtiendrons les miséricordes divines ; puissent-elles se répandre sur nous tous, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient, avec le Père et l’Esprit-Saint, la gloire, l’honneur et l’empire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.