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côtes d’Adam pour en former la femme, et la suivante nous révèle l’avenir. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et ils seront deux dans une même chair. Mais qui lui avait appris toutes ces choses ? d’où pouvait-il connaître l’avenir, et le mode de la propagation du genre humain ? Quelle idée surtout pouvait-il se former de l’union des deux sexes, puisque cette union n’exista qu’après la chute de nos premiers parents ? jusqu’à ce moment ils vécurent dans le paradis terrestre d’une vie tout angélique, et ne connurent ni les feux de la concupiscence, ni la révolte des passions. Ils ignorèrent également les maladies, et les divers besoins du corps, car ils avaient été créés incorruptibles, et immortels.
Quant à l’usage des vêtements, l’Écriture nous dit qu’ils étaient nus et qu’ils n’en rougissaient pas. C’est qu’avant le péché et la désobéissance, la grâce divine était comme leur vêtement ; aussi ne rougissaient-ils point de leur nudité. Mais dès qu’ils eurent violé le précepte du Seigneur, ils connurent qu’ils étaient nus, et ils en rougirent. Qui suggéra donc à Adam les paroles qu’il prononça alors ? et n’est-il pas évident qu’il reçut le don de prophétie, et qu’il découvrit l’avenir du regard de l’intelligence ? Ce n’est pas sans raison que j’appuie sur ces détails, car ils nous montrent l’immense bonté du Seigneur envers le premier homme. Il menait dans le principe la vie des anges, était enrichi de mille bienfaits, et possédait même l’esprit prophétique. Aussi lorsque vous le voyez, après tant de grâces et de faveurs, devenir prévaricateur, gardez-vous de rejeter la faute sur Dieu, et n’en accusez que l’homme. C’est lui seul, comme je le dirai plus tard, qui s’est privé de tant de biens par sa désobéissance, et qui a été légitimement condamné pour son péché.
Rappelons-nous donc l’état d’innocence où le Seigneur l’avait établi, et les bienfaits sans nombre dont il l’avait comblé. Et d’abord avant même que l’homme existât, il avait produit pour lui l’univers et toutes les créatures ; il le créa ensuite lui-même afin qu’il en jouît pleinement, et lui donna pour demeure le paradis terrestre. Bien plus, il l’éleva au-dessus de tous les – animaux qu’il soumit à sa puissance, et voulut qu’il nommât chacun d’eux comme un maître nomme ses esclaves. Enfin, parce que l’homme était seul, et qu’il avait besoin d’une aide qui lui fût semblable, le Seigneur n’omit point de lui donner cette satisfaction ; et, après avoir créé la femme selon le type de sa divine sagesse, il la remit entre ses mains. Enfin le Seigneur couronna ces immenses bienfaits par l’honneur du don de prophétie et le privilège de régner en souverain sur l’univers entier. Il voulut même qu’Adam fut exempt de toute inquiétude comme de tout souci par rapport aux besoins du corps et à l’usage des vêtements : en sorte que sur la terre il menait la vie des anges. Oui, au seul souvenir de ces ineffables bienfaits, je ne sais qu’admirer la bonté du Seigneur, et je m’étonne de voir l’homme si ingrat, et le démon si rempli d’une noire jalousie. Car cet esprit mauvais ne put supporter que dans un corps mortel l’homme fût l’égal des anges.
5. Mais je m’arrête ici pour ne pas trop prolonger ce discours, et je remets à demain l’explication des embûches que le démon tendit à nos premiers parents. Je termine donc en vous priant de retenir mes paroles d’aujourd’hui, et d’en faire le sujet de vos entretiens, afin que vous les graviez plus profondément dans votre mémoire. Car le souvenir habituel (les grâces dont Dieu combla le premier homme ne peut que nous porter à une juste reconnaissance, et nous exciter puissamment à la vertu. II est certain en effet que celui qui nourrit en son cœur la pensée des bienfaits du Seigneur, s’efforcera de ne pas s’en montrer indigne. Bien plus, il s’appliquera à mériter par sa reconnaissance que Dieu lui en accorde de nouveaux. Eh ! notre Dieu n’est-il pas généreux ! et s’il soit que nous lui sommes reconnaissants de ses premières grâces, il nous en donnera de plus abondantes encore. Soyons donc toujours attentifs à l’affaire de notre salut, et ne laissons point nos journées s’écouler dans une lâche oisiveté. Préoccupons-nous beaucoup moins d’avoir passé la moitié du carême, que de savoir si nous avons avancé dans la vertu, et si nous nous sommes corrigés de quelque défaut.
Et en effet, si, nourris chaque jour de la parole sainte, nous restons toujours les mêmes, sans croître en vertus, et sans déraciner de notre cœur aucun germe de péché, le jeûne nous deviendra plus nuisible qu’utile ; car celui qui rend infructueux tant de secours spirituels se prépare de rigoureux châtiments. Je vous conjure donc de bien employer ce qui nous