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semblable. Maintenant elle va nous apprendre que Dieu forma la femme de la substance même de l’homme. Et le Seigneur Dieu, dit-elle, envoya à Adam un profond sommeil, et pendant qu’il dormait, il prit une de ses côtes et mit de la chair à la place. Et le Seigneur Dieu produisit la femme de la côte qu’il vivait ôtée à Adam et l’amena devant Adam. (Gen. 21, 22) L’énergie de ces paroles est grande, et elles surpassent l’intelligence de l’homme. C’est pourquoi l’on ne saurait les comprendre qu’en les approfondissant avec l’œil de la foi.
Dieu, dit Moïse, envoya à Adam un profond sommeil, et pendant qu’il dormait. Quelle exactitude de doctrine et quelle sublimité de langage ! L’écrivain sacré, ou plutôt l’Esprit-Saint, par sa plume, nous apprend ici deux choses, le profond sommeil d’Adam, et les suites de ce sommeil. Mais ce sommeil ne ressemblait en rien au sommeil ordinaire. Car le Dieu créateur, sage et puissant, voulait éviter qu’Adam ressentît la moindre douleur, de crainte que ce souvenir pénible ne l’aigrît contre la femme qui devait être formée d’une de ses côtes. C’est pourquoi il lui envoya un profond sommeil, ou plutôt un profond assoupissement qui le priva de l’usage de ses sens. Alors, le Seigneur, comme un habile ouvrier, ôta à Adam une de ses côtes, mit de la chair en sa place, et de la côte enlevée forma dans sa bonté le corps de la première femme. Il envoya donc à Adam un profond sommeil, et pendant qu’il dormait, il lui enleva une de ses côtes, et il prit de la chair à la place. C’était pour qu’à son réveil Adam ne s’aperçût pas de ce qui était arrivé. Car il devait plus tard en être instruit, quoique dans le moment même il n’en eût aucune connaissance. Aussi le Seigneur disposa-t-il toutes choses afin de lui ôter tout sentiment de douleur et de tristesse. Il enleva donc une de ses côtes sans qu’il en ressentît aucune souffrance, et il mit de la chair à la place, pour qu’il ne s’aperçût de rien. Or c’est de cette côte que Dieu forma la femme. Récit admirable, et qui surpasse de beaucoup l’intelligence de l’homme. Au reste, tel est le caractère de toutes les œuvres de Dieu ; et ce n’est pas ici un moindre miracle que d’avoir formé Adam d’un peu de poussière et de boue.
Mais observez encore comme l’Écriture s’accommode à notre faiblesse. Et Dieu, dit-elle ; prit une des côtés d’Adam, Gardons-nous bien d’interpréter ces paroles d’une manière toute humaine, et ne voyons, dans leur humble simplicité, qu’une pure condescendance envers notre infirmité. Car si l’Écriture ne se fût ainsi exprimée, comment aurions-nous pu comprendre ces profonds mystères ? Arrêtons-nous donc bien moins au sens littéral, qu’à des pensées dignes de Dieu. Ainsi cette parole : Et Dieu prit et toute autre semblable ne sont que pour se proportionner à notre faiblesse. Au reste, l’Écriture emploie ici les mêmes expressions dont elle s’était servie en parlant d’Adam. Elle avait dit précédemment : Le Seigneur Dieu prit l’homme ; le Seigneur Dieu fit à Adam ce commandement ; et encore Le Seigneur Dieu dit : faisons-lui une aide qui lui soit semblable. De même ici elle dit : Le Seigneur Dieu forma la femme de la côte qu’il avait ôtée à Adam ; et un peu auparavant elle avait dit : Et le Seigneur Dieu envoya à Adam un profond sommeil. Ainsi ces expressions n’indiquent aucune différence entre le Père et le Fils, et l’Écriture les emploie indifféremment, parce que ces deux personnes divines n’ont qu’une seule et même nature. Aussi retrouvons-nous la même façon de s’exprimer quand il s’agit de la formation de la femme : Et le Seigneur Dieu forma la femme de la côte qu’il avait ôtée à Adam.
Que diront ici les hérétiques, qui veulent tout examiner curieusement, et qui se flattent de connaître même la génération du Créateur ? Mais quelle parole expliquerait ce mystère ! et quelle intelligence pourrait le comprendre : Le Seigneur, dit l’Écriture, prit une des côtes d’Adam, et de cette seule côte il forma la femme tout entière. Eh ! pourquoi ne parler que de ce second miracle ? Car dites-moi d’abord comment Dieu ôta cette côte, et comment Adam ne ressentit aucune douleur ? Ce sont autant de mystères que vous ne sauriez expliquer, et que le Créateur seul qui les a opérés peut comprendre. Mais puisque nous ne pouvons concevoir des choses qui sont sous nos yeux, ni comprendre la création de la femme qui a été formée de la substance de l’homme, il n’appartient qu’au délire et à la folie de rechercher curieusement l’essence du Créateur, et de se vanter d’en avoir l’intelligence. Les esprits célestes ne peuvent eux-mêmes sonder cet abîme, et ils se contentent de glorifier le Seigneur avec crainte et tremblement.
3. Et le Seigneur Dieu produisit la femme