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des paroles jetées au hasard, mais le langage de l’Esprit-Saint. Aussi peut-on y découvrir de précieux trésors même sous une seule syllabe. Veuillez donc, je vous en conjure, m’écouter avec soin, et ne faites paraître ni lâcheté, ni nonchalance. Soyez au contraire attentifs, et ne vous laissez point distraire par les préoccupations des affaires, ou les soucis des choses temporelles. Car chacun doit être touché de la dignité de cette sainte assemblée, et ne pas oublier que c’est Dieu lui-même qui nous parle par la bouche de son prophète. Ainsi qu’en vous l’oreille et l’esprit soient ouverts et éveillés afin que vous ne perdiez pas un seul mot, et que la semence de la parole divine ne tombe point sur la pierre, ou le long du chemin, ni parmi les épines. Puisse-t-elle au contraire se répandre sur une bonne terre ! je veux dire en des cœurs bien préparés, alors elle se multipliera et vous produira des fruits abondants.
Expliquons donc le sens de cette phrase : Mais pour Adam, il ne se trouvait point d’aide qui lui fût semblable ; et voyez d’abord avec quelle exactitude s’exprime la sainte Écriture ! Après nous avoir dit : Mais pour Adam, il ne se trouvait point d’aide, elle poursuit et ajoute ces mots : qui lui fût semblable. Cette addition nous fait comprendre le sens de la conjonction. Je pense que, parmi vous, quelques esprits plus éclairés devinent presque ce que je vais dire ; mais il est de mon devoir d’instruire tous mes auditeurs, et de me faire comprendre de chacun d’eux. C’est pourquoi je vous expliquerai les raisons qu’a eues Moïse de parler ainsi, mais il faut un peu de patience. Vous vous souvenez que l’écrivain sacré a précédemment rapporté cette parole du Seigneur : Faisons à Adam une aide qui lui soit semblable, et qu’ensuite il est revenu sur la création des bêtes, des reptiles et de tous les animaux. Et Dieu, dit-il, avait formé de la terre tous les animaux et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir devant Adam, afin qu’Adam vît comment il les nommerait. Ainsi Adam leur imposa à tous un nom, comme étant le maître de tous ; et selon la sagesse qu’il avait reçue du Seigneur, il donna aux bêtes féroces, aux oiseaux et aux animaux domestiques, le nom qui est resté leur propre nom. Mais quoique les animaux servent aux usages de l’homme, et qu’ils lui aident dans ses travaux, néanmoins par cela seul qu’ils sont privés de raison, ils lui sont bien inférieurs. C’est pourquoi nous ne saurions penser que c’est d’eux que le Seigneur a voulu parler quand il a dit : faisons une aide à Adam.
Sans doute les animaux nous prêtent leur secours, et ils nous sont utiles en bien des choses ; – mais ils n’en sont pas moins privés de raison. Qu’ils nous soient utiles, l’expérience le prouve, car nous employons les uns à tirer des fardeaux et les autres à cultiver la terre. Ainsi le bœuf traîne la charrue, ouvre les sillons et opère les divers travaux de l’agriculture. L’âne est très-propre à porter des fardeaux, et la plupart des autres animaux servent aux besoins de notre existence. La brebis nous donne la laine pour nous vêtir, et le poil de la chèvre se prête à mille usages ; de plus elle nous nourrit de son lait. Ainsi, pour que nous ne puissions appliquer aux animaux cette parole : faisons à Adam une aide, l’écrivain sacré commence son récit par ces mots : Mais pour Adam il ne se trouvait point d’aide qui lui fût semblable. C’est comme s’il nous disait : tous les animaux ont été créés pour le service de l’homme, et ils ont reçu de lui leur nom, mais aucun n’est digne d’être son aide. Aussi voulant nous raconter la formation de la femme, a-t-il soin d’introduire le Seigneur qui prononce cette parole : faisons à Adam une aide qui lui soit semblable, qui soit digne de lui, produite de la même substance et son égale. C’est pourquoi Moïse dit : Mais pour Adam il ne se trouvait point d’aide qui lui fût semblable ; et il nous indique par là que quelque grands que soient à l’égard de l’homme les services des animaux, l’aide de la femme sera pour Adam bien plus excellente en toutes manières.
2. Aussi n’est-ce qu’après avoir créé tous les animaux, et les avoir conduits au premier homme pour qu’il leur donnât un nom, que Dieu s’occupe de lui former une aide qui lui soit semblable. Déjà l’homme avait été le but de toute la création, et il avait produit pour lui toutes les créatures. Mais Dieu voulut alors y ajouter l’aide de la femme, et observez ici avec quelle précision de détails l’Écriture décrit la formation de la femme. Elle nous avait déjà appris que le Seigneur se proposait de donner à l’homme une aide qui lui fût semblable, car elle nous avait rapporté cette parole : faisons à Adam une aide selon lui ; et encore celle-ci : Mais pour Adam il ne se trouvait point d’aide qui lui fût