Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et le Seigneur Dieu fit une recommandation à Adam, et il lui dit : mangez de tous les fruits des arbres du paradis ; mais ne mangez point du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, car le jour même où vous en mangerez, vous mourrez très-certainement. (Gen. 2,17) L’observation de ce précepte était bien facile. Mais, comprenez, mon cher frère, combien la paresse est un grand mal : elle rend difficiles les choses les plus aisées ; et au contraire, l’ardeur et l’activité rendent aisées les choses les plus difficiles. Eh ! dites-le-moi, Dieu pouvait-il faire à l’homme une recommandation plus simple et plus facile, et pouvait-il le combler de plus d’honneur ! Il lui permettait d’habiter le paradis terrestre et de récréer ses regards par la beauté des objets qu’il renfermait. Combien douce et agréable était cette vue, et combien exquis les fruits dont il se nourrissait l Et en effet, quel plaisir de voir la fertilité des arbres fruitiers, la variété des fleurs, la diversité des plantes, le feuillage qui pare les arbres comme d’une belle chevelure, et ces mille autres beautés que renfermait vraisemblablement un jardin que Dieu lui-même avait planté. C’est ce que l’Écriture nous a précédemment insinué quand elle nous a dit que Dieu fit sortir de la terre toute sorte d’arbres beaux à voir, et dont les fruits étaient doux à manger. Aussi pouvons-nous comprendre combien a été coupable la négligence et l’intempérance de l’homme qui, au sein d’une telle abondance, transgressa le commandement du Seigneur.
Représentez-vous l’honneur et la dignité dont le Seigneur environna le premier homme. II le plaça dans le paradis terrestre et lui dressa une table séparée et particulière, afin qu’il ne pût même soupçonner que le Créateur lui avait destiné la même nourriture qu’aux animaux. Mais il était comme le roi de la nature, et il jouissait dans le paradis terrestre de mille délices ; il avait aussi, en sa qualité de maître des animaux, une demeure séparée et une habitation meilleure. Et le Seigneur Dieu fit une recommandation à Adam et il lui dit : mangez de tous les fruits des arbres du paradis ; mais ne mangez point du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, car le jour même où vous en mangerez, vous mourrez certainement. C’est comme s’il lui eût dit : est-ce que je vous impose une obligation grave et difficile ? non sans doute, puisque je vous abandonne les fruits de tous les arbres, à l’exception d’un seul ; et si je sanctionne ma défense par la menace des plus terribles châtiments, c’est pour que du moins la crainte vous retienne dans l’obéissance. Le Seigneur en usait donc envers le premier homme, comme un maître généreux et magnifique qui nous céderait un superbe palais, à la condition que nous reconnaîtrions son droit de suzeraineté pour une modique redevance ; et de même le Seigneur, toujours bon et miséricordieux, permit à Adam l’usage des fruits de tous les arbres, et n’en excepta qu’un seul, afin de lui rappeler qu’il dépendait de Dieu et qu’il devait obéir à tous ses commandements.
4. Mais qui pourrait dignement, exprimer, combien fut grande alors la bonté du Seigneur l Adam ne pouvait encore présenter aucun mérite, et quelles faveurs néanmoins ne reçut-il pas ! Car ce n’est ni la moitié des fruits que le Seigneur lui abandonne, ni un grand nombre d’arbres qu’il se réserve, en lui permettant l’usage des autres ; il veut au contraire qu’il mange de tous les fruits des arbres du paradis, et s’il en excepte un seul, c’est uniquement pour que l’homme le reconnaisse comme l’auteur et le principe de tous ces biens. Considérez encore ici quelle fut envers la femme la bonté du Seigneur, et de quels honneurs il la combla. Elle n’existait pas encore, et déjà il la comprenait dans ce commandement : Ne mangez pas de ce fruit, car au jour où vous en mangerez vous mourrez certainement. Ainsi dès le commencement Dieu déclare que l’homme et la femme ne sont qu’un, et que l’homme, selon la parole de l’Apôtre, est le chef de la femme. (Eph. 5,23) Il s’adresse donc à tous deux, afin que plus tard, lorsque la femme aura été formée de l’homme, elle reçoive de celui-ci la connaissance de cette défense.
Je n’ignore point les questions que l’on propose d’ordinaire touchant cet arbre, ni les objections de certains hérétiques qui parlent avec une téméraire audace, et qui s’efforcent de rejeter sur Dieu le péché de l’homme. Pourquoi, disent-ils, le Seigneur a-t-il fait cette défense, sachant bien que l’homme ne la respecterait pas ? Pourquoi encore a-t-il planté cet arbre dans le paradis ? La réponse à ces questions et à beaucoup d’autres m’entraînerait à parler avant le temps de la faute originelle, et il vaut mieux attendre que le récit de Moïse nous y conduise. Quand nous serons donc arrivés à cet endroit de la Genèse, je vus dirai plus à propos ce que m’inspirera la grave divine pour vous développer