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sa sécurité. Aussi plaça-t-il au milieu du paradis l’arbre de vie, et l’arbre de la science du bien et du mal, parce qu’il se proposait d’en défendre l’usage à l’homme. Et le but de cette défense devait être d’abord de rappeler à l’homme que Dieu lui donnait par bonté et par générosité l’usage de tous les autres arbres, et puis, qu’il était son Maître, non moins que celui de toutes les créatures. La mention de ces deux arbres amène naturellement celle des quatre fleuves qui sortaient d’une seule et même source, et qui se divisant ensuite en quatre branches, arrosaient les diverses contrées du globe, et en marquaient la séparation.
Mais il est possible qu’ici ceux qui ne veulent parler que d’après leur propre sagesse soutiennent que ces fleuves n’étaient point de véritables fleuves, ni ces eaux de véritables eaux. Laissons-les débiter ces rêveries à des auditeurs qui leur prêtent une oreille trop crédule ; et pour nous, repoussons de tels hommes, et n’ajoutons aucune foi à leurs paroles. Car nous devons croire fermement tout ce que contiennent les divines Écritures, et en nous attachant à leur véritable sens, nous imprimerons dans nos âmes la saine et vraie doctrine. Mais nous devons également régler notre vie sur leurs maximes, en sorte que nos mœurs rendent témoignage à la sainteté de la doctrine, et que la doctrine soit elle-même la règle de nos mœurs. Et en effet il est essentiel, si nous voulons éviter l’enfer et gagner le ciel, que nous brillions de la double auréole d’une foi orthodoxe et d’une conduite irréprochable. Eh ! dites-le-moi, peut-on appeler utile l’arbre élancé qui se couvre de feuilles, et ne se couronne jamais de fruits ? Ainsi sont ces chrétiens orthodoxes dans leur foi, et hérétiques dans leur conduite.
D’ailleurs Jésus-Christ ne déclare heureux que celui qui fait et qui enseigne. (Mt. 5,19) Car l’enseignement qui repose sur les actions est bien plus sûr et bien plus persuasif que celui qui ne s’appuie que sur de vaines paroles. Et en effet, le silence et l’obscurité n’empêchent point que nos bonnes œuvres n’édifient nos frères, soit par nos exemples, soit par le récit qui leur en est fait. De plus, nous y trouvons nous-mêmes une source de grâces parce que, selon la mesure de nos forces, nous sommes cause que ceux qui nous voient glorifient le Seigneur. C’est ainsi que les bons exemples d’un chrétien sont autant de langues qui se multiplient comme à l’infini pour remercier et louer le Dieu de l’univers. Car non seulement les témoins de sa vie l’admirent, et glorifient le Seigneur, mais les étrangers eux-mêmes, quelle que soit la distance des lieux qui les séparent ; et les ennemis, non moins que les amis, s’édifient de sa vertu, et vénèrent son éminente sainteté. Telle est en effet la puissance de la vertu, qu’elle ferme la bouche à ses plus opiniâtres contradicteurs ; et de même qu’un œil faible ne peut supporter l’éclat du soleil, le vice ne saurait sans honte contempler la vertu en face, il est contraint de se cacher, et de s’avouer vaincu. Convaincus de ces vérités, embrassons donc le parti de la vertu, et pour mieux régler notre vie, et assurer notre salut, évitons avec soin jusqu’aux péchés les plus légers dans nos paroles et nos actions ; car nous ne tomberons point en des fautes graves, si nous sommes en garde contre les moindres, et, avec le secours de la grâce, nous pourrons, en avançant en âge, avancer aussi en sainteté. C’est ainsi que nous échapperons aux peines de l’enfer, et que nous acquerrons les biens éternels du ciel, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient, avec le Père et l’Esprit-Saint, la gloire, l’honneur et l’empire, maintenant et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.