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Eden, vers l’Orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé.
Je remarque aussi que Moïse spécifie le lieu où ce jardin était placé, afin de prévenir les vains discours de ceux qui veulent abuser de notre simplicité. Ils nous affirment que ce jardin était dans le ciel, et non sur la terre, et nous débitent mille autres fables semblables. L’extrême exactitude de l’historien sacré n’a pu les empêcher de s’enorgueillir de leur éloquence, et de leur science toute profane. Aussi osent-ils combattre l’Écriture, et soutenir que le paradis terrestre n’existait point sur la terre. C’est ainsi qu’ils adoptent un sens tout contraire à celui de l’Écriture, et qu’ils suivent une route semée d’erreurs en entendant du ciel ce qui est dit de la terre. Mais dans quel abîme ne seraient-ils point tombés, si, par l’inspiration divine, Moïse n’eût employé un langage simple et familier ! Sans doute l’Écriture interprète elle-même ses enseignements, et ne donne aucune prise à l’erreur ; mais parce que plusieurs la lisent ou l’écoutent bien moins pour y chercher la doctrine du salut que l’agrément de l’esprit, ils préfèrent les interprétations qui les flattent à celles qui les instruiraient. C’est pourquoi je vous conjure de fermer l’oreille à tous ces discours séducteurs, et de n’entendre l’Écriture que conformément aux saints canons. Ainsi quand elle nous dit que Dieu planta à l’orient d’Eden un jardin de délices, donnez à ce mot, mon cher frère, un sens digne de Dieu, et croyez qu’à l’ordre du Seigneur un jardin se forma dans le lieu que l’Écriture désigne. Car on ne peut, sans un grand danger pour soi et pour ses auditeurs, préférer ses propres interprétations au sens vrai et réel des divines Écritures.
4. Et Dieu y plaça l’homme qu’il avait formé. Voyez ici combien le Seigneur honora l’homme dès le premier instant de son existence. Il l’avait créé hors du paradis, mais il l’y introduisit immédiatement, afin d’éveiller en son cœur le sentiment de la reconnaissance, et de lui faire apprécier l’honneur qui lui était accordé. Il plaça donc dans le paradis l’homme qu’il avait formé ; ce mot : il plaça, signifie que Dieu commanda à l’homme d’habiter le paradis terrestre, pour qu’il goûtât tous les charmes de ce séjour délicieux, et qu’il s’en montrât reconnaissant envers son bienfaiteur. Et en effet ces bontés du Seigneur étaient toutes gratuites, puisqu’elles prévenaient dans l’homme jusqu’au plus léger mérite. Ainsi ne vous étonnez point de cette expression : il plaça, car l’Écriture ici, comme toujours, emploie un langage tout humain, afin de se rendre plus accessible et plus utile. C’est ainsi qu’en parlant des étoiles, elle avait dit précédemment que Dieu les plaça dans le ciel. Certes, l’écrivain sacré n’a point voulu nous faire croire que les astres sont attachés fixement à la place qu’ils occupent, puisqu’ils ont chacun leur mouvement de rotation ; il s’est proposé seulement de nous enseigner que le Seigneur leur ordonna, de briller dans les espaces célestes, de même qu’il commanda à l’homme d’habiter le paradis terrestre.
Et Dieu, continue l’Écriture, fit sortir de la terre toute sorte d’arbres beaux à voir, et dont les fruits étaient doux à manger : et au milieu du jardin étaient l’arbre de vie et l’arbre de la science du bien et du mal. (Gen. 2,9) Voici, de la part du Seigneur un nouveau bienfait qui se rapporte tout spécialement à l’homme. Il lui destinait le paradis terrestre pour habitation : aussi fit-il sortir de la terre toutes sortes d’arbres dont l’aspect était agréable à la vue, et le fruit doux au goût. Toutes sortes d’arbres, dit expressément l’Écriture, qui étaient beaux à voir, c’est-à-dire qui réjouissaient le regard de l’homme, et dont les fruits étaient doux à manger, c’est-à-dire qui lui fournissaient une nourriture délicieuse. Ajoutez encore que le nombre et la variété de ces arbres produisaient pour l’homme des charmes nouveaux ; car vous ne sauriez nommer une seule espèce qui ne s’y trouvât pas. Mais si l’habitation de l’homme était si gracieuse, sa vie n’était pas moins admirable. Il vivait sur la terre comme un ange, et quoique revêtu d’un corps il n’en souffrait point les dures nécessités. C’était le roi de la création, portant la pourpre et le diadème ; et parmi l’abondance de tous les biens, il coulait dans, le paradis terrestre une douce et libre existence.
Et au milieu du jardin étaient l’arbre de vie, et l’arbre de la science du bien et du mal. Après nous avoir appris qu’à l’ordre du Seigneur, la terre produisit toute sorte d’arbres beaux à la vue et dont les fruits étaient doux au goût, Moïse ajoute : qu’au milieu du jardin étaient l’arbre de vie, et l’arbre de la science du bien et du mal. C’est que le Créateur, dans sa prescience divine, n’ignorait point que par la suite l’homme abuserait de sa liberté et de