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que s’exposer soi-même à tenir un langage insensé ; évitons donc de suivre ces hérétiques dans les sentiers multipliés de leurs erreurs et attachons-nous à l’Écriture qui s’explique par elle-même ; seulement la simplicité de ses expressions ne doit point nous arrêter, parce que cette simplicité n’a pour cause que la faiblesse de notre intelligence. Eh ! comment l’oreille de l’homme pourrait-elle recueillir la parole de Dieu, si cette parole ne s’accommodait à son infirmité ? Convaincus de notre impuissance et de la véracité de Dieu, nous ne devons interpréter l’Écriture que dans un sens qui soit digne de lui ; c’est pourquoi il faut écarter de Dieu toute idée de membres et de formes corporelles, et ne rien imaginer qui le déshonorerait ; car, il est un être simple, immatériel, et qui ne tombe point sous les sens ; et si nous lui donnons un corps et des membres, nous nous engagerons soudain dans les erreurs grossières du paganisme.
Quand vous lisez donc dans l’Écriture que Dieu forma l’homme, élevez-vous jusqu’à l’idée de cette puissance créatrice qui avait dit précédemment que la lumière soit. Et lorsque vous lisez encore que Dieu répandit surie visage de l’homme un souffle de vie, pensez également que ce même Dieu qui avait créé les anges, intelligences spirituelles, voulut unir au corps de l’homme, formé du limon de la terre, une âme raisonnable qui fit mouvoir les membres de ce corps. Et en effet, on peut dire que ce corps, l’œuvre par excellence du Seigneur ; gisait sur la terre comme un instrument qui a besoin d’être touché. Oui, il était comme une lyre qui attend une main habile ; et l’âme, en imprimant à ces membres un mouvement harmonieux, leur fait rendre des sons qui sont agréables au Créateur. Et Dieu répandit sur le visage de l’homme un souffle de vie ; et l’homme devint vivant et animé. Que signifie cette parole : il répandit un souffle de vie ? Elle nous apprend que Dieu unit au corps de l’homme une âme vivante qui lui communiqua la vie et le mouvement, et qui se servit des membres de ce même corps pour exercer ses propres facultés.
3. Mais je reviens encore sur la différence qui existe entre la création des animaux et celle de cet être raisonnable que nous appelons l’homme. Au sujet des premiers, Dieu avait dit : que les eaux produisent les animaux qui nagent ; et soudain les eaux enfantèrent les poissons. Et de même il avait dit : que la terre produise des animaux vivants ; mais il n’en est pas ainsi de l’homme. D’abord son corps fut formé du limon de la terre, et il reçut ensuite une âme raisonnable qui lui donna la vie et le mouvement. Aussi Moïse dit-il en parlant des animaux : leur vie est dans le sang. (Lev. 17,11) Notre âme au contraire est une substance spirituelle et immortelle, et elle surpasse le corps de tout l’intervalle qui sépare une pure intelligence d’un corps brut et grossier. Mais peut-être me ferez-vous cette question : si l’âme est plus noble que le corps, pourquoi a-t-il été créé le premier, et l’âme la dernière ? Eh ! ne voyez-vous pas, mon cher frère, que ce même ordre a été suivi dans la création ? Car le Seigneur fit d’abord le ciel et la terre, le soleil et la lune, lés animaux et toutes les autres créatures, et il forma ensuite l’homme qui devait leur commander. C’est ainsi que dans la création de l’homme, le corps a été formé le premier et l’âme la dernière, quoiqu’elle soit plus noble et plus excellente.
Observez encore que les animaux, étant destinés au service de l’homme, devaient être créés avant lui, pour qu’il pût tout d’abord les employer. Et de même le corps fut formé avant l’âme, afin que dès l’instant où elle existerait, par un acte de l’ineffable sagesse du Seigneur, elle pût agir au moyen du corps. Et Dieu, dit l’Écriture, planta un jardin de délices, dans Eden, vers l’Orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Oh ! combien le Seigneur se montre-t-il bon et généreux envers l’homme ! il avait créé l’univers pour lui, et voici que dès le premier instant de son existence, il le comble de nouveaux bienfaits. Car c’est pour lui qu’il planta un jardin de délices, dans Eden, vers l’Orient. Mais ici, mon cher frère, si l’on n’interprétait ces paroles dans un sens digne de Dieu, on tomberait dans l’abîme de l’extravagance. Et en effet que diront ceux qui prennent à la lettre et dans un sens humain tout ce que l’Écriture dit de Dieu ? il planta un jardin de délices : eh quoi ! eut-il besoin pour embellir ce jardin de travailler la terre, et d’y employer ses soins et son industrie ? A Dieu ne plaise ! Et cette expression, le Seigneur planta, signifie seulement qu’à son ordre la terre produisit le jardin de délices que l’homme devait habiter. C’est en effet pour l’homme que ce jardin fut planté ; et l’Écriture le marque expressément. Dieu, dit-elle, planta un jardin de délices dans