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et votre zèle se développer, je conçois les meilleures espérances ; aussi, suis-je animé d’une ardeur nouvelle pour vous instruire, afin d’avancer quelque peu votre perfection, la gloire de Dieu et l’honneur de l’Église. Mais rappelons d’abord, s’il vous plaît, le sujet de notre dernier entretien, et puis nous passerons à l’explication du passage qui vient d’être lu. Voici donc ce que je vous disais, et ce que je vous développais en terminant notre dernière conférence ; il est nécessaire d’y revenir brièvement : et Dieu forma l’homme du limon de la terre ; et il répandit sur son visage un souffle de vie, et l’homme devint vivant et animé.
Or, je vous faisais observer, comme je le fais encore en ce moment, et comme je ne cesserai de le dire, que Dieu a donné à l’homme des marques d’une bonté extrême ; il s’est occupé de notre salut avec un soin tout particulier, et il a comblé l’homme des plus grands honneurs. Bien plus, sa parole et ses actes ont déclaré hautement qu’à ses yeux l’homme était au-dessus de toutes les autres créatures : aussi, ne sera-t-il pas inutile de revenir sur ce sujet ; car de même que les aromates rendent plus de parfum, selon qu’on les pétrit davantage, nos saintes Écritures offrent à nos méditations profondes et multipliées, des trésors nouveaux, et elles présentent à notre piété des richesses immenses. Et Dieu forma l’homme du limon de la terre. Remarquez ici, je vous prie, combien ce langage diffère de celui que Dieu employa pour produire les autres créatures. Il dit, selon Moïse : Que la lumière soit, et la lumière fut ; que le firmament soit, que les eaux se réunissent, que des corps lumineux soient, que la terre produise les plantes, que les eaux produisent les animaux qui nagent, et que la terre enfante les animaux vivants. C’est ainsi qu’une seule parole tira du néant toutes les créatures ; mais s’agit-il de l’homme, Moïse dit : Et Dieu forma l’homme ; cette expression, qui se proportionne à notre faiblesse, désigne également le mode de notre création et sa supériorité sur les créations antérieures. Car, pour parler un langage tout humain, elle-nous montre le Seigneur formant de ses propres mains le corps de l’homme ; aussi, le bienheureux Job a-t-il dit: Vos mains m’ont formé et elles ont façonné mon corps. (Job. 10,8) Nul doute que si Dieu eût commandé à la terre de produire l’homme, celle-ci n’eût exécuté cet ordre, mais il a voulu que le mode même de notre création nous fût une leçon d’humilité, et que ce souvenir nous retînt dans la dépendance qui convient à notre nature. Voilà pourquoi Moïse décrit si explicitement cette création, et nous dit que Dieu forma l’homme du limon de la terre.
2. Mais observez aussi combien ce mode de création nous est honorable ; car Dieu ne prit pas seulement de la terre pour en former l’homme, mais du limon, de la poussière, tout ce qu’il y a de plus vil ; et c’est ce limon et cette poussière qui, à son ordre, devint le corps de l’homme. Sa parole avait précédemment tiré la terre du néant, et, alors il voulut qu’un peu de limon se changeât en le corps de l’homme. Aussi, est-ce avec délices que je répète cette exclamation du Psalmiste : Qui racontera la puissance du Seigneur, et qui publiera toutes les louanges qui lui sont dues ? (Ps. 105,2) Et en effet, à quel degré d’honneur n’a-t-il pas élevé l’homme formé du limon de la terre ! et de quels bienfaits ne le comble-t-il pas tout aussitôt, lui donnant ainsi des témoignages d’une bonté toute spéciale ! Car, dit l’Écriture : Dieu répandit sur le visage de l’homme un souffle de vie ; et il devint vivant et animé.
Mais ici, quelques insensés qui ne suivent que leurs propres raisonnements, qui n’ont aucunes pensées dignes de Dieu, et qui ne comprennent point la condescendance du langage de l’Écriture, osent affirmer que notre âme est une portion de la divinité. O démence ! ô folie ! combien sont nombreuses les voies de perdition que le démon ouvre devant ses sectateurs ! Car, voyez par quels chemins différents ils courent tous à leur perte. Les uns s’appuient sur ce mot : Dieu répandit un souffle, et ils en concluent que nos âmes sont une portion de la divinité ; et les autres disent même qu’après la mort l’âme passe dans le corps des plus vils animaux. Quelle doctrine extravagante et dangereuse ! c’est que leur raison, obscurcie par d’épaisses ténèbres, ne peut comprendre le sens de l’Écriture ; aussi, semblables à des aveugles, ils tombent tous dans différents précipices ; car les uns élèvent l’âme au-dessus de sa dignité, et les autres l’abaissent au-dessous.
S’ils veulent donner à Dieu une bouche parce que l’Écriture dit qu’il répandit un souffle de vie sur le visage de l’homme, il faut donc également qu’ils lui donnent des mains puisque la même Écriture dit qu’il forma l’homme. Mais il vaut mieux taire de pareilles extravagances